Une avancée majeure dans le traitement du cancer du sein métastatique grâce à une simple prise de sang

Sophie Lambert

Comprendre le cancer du sein hormono-dépendant et les avancées dans la détection précoce des résistances

Le cancer du sein qui dépend des hormones, principalement celui qui est sensitive aux œstrogènes, constitue la majorité des cas de cette maladie, représentant près de 80 % des diagnostics. Il bénéficie également d’un meilleur pronostic par rapport aux autres types de cancer du sein. Cependant, lorsque cette maladie atteint un stade avancé, notamment à celui où les cellules cancéreuses se métastasent – autrement dit, lorsqu’elles migrent vers des zones éloignées de la tumeur initiale – elle montre une capacité de résistance accrue aux traitements standards. La principale thérapie utilisée dans ce contexte est l’hormonothérapie, qui vise à bloquer l’activation du récepteur aux œstrogènes afin de limiter la croissance des cellules cancéreuses. Elle agit à la fois en empêchant cette activation et en freinant la multiplication des cellules tumorales.

Malheureusement, dans environ 40 % des cas, cette stratégie thérapeutique devient inefficace à cause de l’émergence d’une résistance qui complique la gestion de la maladie. Cette résistance est fréquemment liée à des mutations survenant au niveau du gène ESR1, qui code pour le récepteur aux œstrogènes. Ces mutations modifient la structure ou la fonction du récepteur, rendant ainsi l’hormonothérapie inefficace et permettant au cancer de continuer à progresser malgré le traitement.

La biopsie liquide : une solution innovante pour détecter précocement les mutations résistantes

Une avancée majeure réside dans la capacité à repérer, avant même que la maladie ne se manifeste par une réactivation clinique, des mutations responsables de cette résistance. Pour cela, la biopsie liquide est devenue une méthode de plus en plus privilégiée. Elle consiste à analyser un simple prélèvement sanguin, qui permet d’identifier, via la détection de l’ADN tumoral circulant, la présence de mutations spécifiques. Grâce à cette technique non invasive, il devient possible de suivre en temps réel l’évolution de la maladie et d’intervenir rapidement si des mutations de résistance apparaissent.

La détection précoce de ces mutations offre la possibilité d’adapter le traitement en modifiant ou en complétant la thérapie hormonale classique par des molécules ciblant précisément ces anomalies. Parmi ces composés, les SERD (dégradateurs du récepteur aux œstrogènes) jouent un rôle crucial. Ces molécules ont récemment été enrichies de nouveaux représentants plus performants, comme le camizestrant, développé par AstraZeneca, qui vise à réduire l’efficacité des récepteurs mutés et à lutter contre la résistance.

Une étude clinique à l’échelle internationale, de phase 3, a été lancée afin d’évaluer la pertinence de cette approche. Elle a inclus plus de 3 000 femmes atteintes de cancers du sein métastatiques hormonodépendants, toutes sous traitement standard. L’objectif était de réaliser des prises de sang régulières tous les deux à trois mois afin de détecter rapidement l’apparition de mutations de résistance et d’adapter le traitement en conséquence.

Les résultats encourageants d’une stratégie de surveillance et d’ajustement thérapeutique

Les premiers résultats issus de cette étude ont été présentés le 1er juin lors de la réunion de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) et ont été publiés dans une revue de renom. Ils montrent que, pour les patientes ayant développé des mutations résistantes, la mise en place d’un traitement combinant un SERD, notamment le camizestrant, avec un inhibiteur de la prolifération cellulaire, a permis d’obtenir des bénéfices considérables.

Plus précisément, chez celles qui ont reçu cette nouvelle stratégie, le risque d’évolution de la maladie a été réduit de 56 %, prolongeant en moyenne d’environ six mois le délai avant la première réapparition de la tumeur. À 12 mois, le taux de maintien de la stabilité de la maladie dans ce groupe était de 60,7 %, contre seulement 33,4 % chez celles qui poursuivaient un traitement classique. À deux ans, cette différence était encore plus prononcée : 29,7 % de survie sans progression contre moins de 6 %. En outre, la qualité de vie des patientes s’est aussi améliorée : celles qui ont bénéficié de la nouvelle approche ont vu leur état se dégrader beaucoup plus tardivement, en moyenne après 23 mois, contre seulement 6 mois pour celles qui suivaient la thérapie initiale.

Une démarche pouvant être transposée à d’autres types de cancers ?

Les résultats encouragents de cette recherche laissent entrevoir des perspectives ambitieuses. Selon le professeur François-Clément Bidard, oncologue médical à l’Institut Curie et spécialiste en cancers féminins, cette stratégie d’interception des résistances – c’est-à-dire la détection précoce des mutations via des tests sanguins et la modification rapide du traitement – pourrait bien devenir la norme dans la prise en charge de plusieurs autres cancers. Après avoir développé un simple test sanguin permettant de repérer les mutations de résistance, la démarche a été confirmée par l’étude SERENA-6, qui a démontré que cette approche est réellement efficace pour améliorer la survie et la qualité de vie des patientes.

Il souligne que ces résultats, obtenus après une décennie de recherches, valident la pertinence de privilégier la surveillance régulière par les tests sanguins afin d’adapter immédiatement le traitement. Ces avancées ouvrent la voie à une médecine plus personnalisée, où la gestion des cancers pourra s’appuyer sur des diagnostics en temps réel. La possibilité de transposer cette méthode à d’autres types de cancers et à différentes molécules thérapeutiques laisse entrevoir un avenir où le suivi des mutations génétiques circulantes deviendra une étape incontournable dans la prise en charge oncologique.

En conclusion, ces progrès offrent une lueur d’espoir pour les patientes atteintes de formes résistantes du cancer du sein, tout en marquant une étape importante vers une médecine plus ciblée, réactive et adaptée aux évolutions individuelles de chaque maladie.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.