Un vaccin à ARN messager contre la grippe pourrait voir le jour bientôt

Sophie Lambert

Un essai clinique majeur évalue un nouveau vaccin antigrippal à base d’ARNm

Une étude en phase III récemment menée a analysé l’efficacité d’un nouveau vaccin contre la grippe, utilisant une technologie à ARNm quadrivalente modifiée. Ce vaccin cible spécifiquement deux sous-types du virus de la grippe de type A, ainsi que deux lignages du virus B. Lors de la saison 2022-2023, un total de 18 476 adultes en bonne santé, âgés de 18 à 64 ans, ont été recrutés pour cette recherche. Parmi eux, 9 251 ont reçu un vaccin antigrippal quadrivalent classique, tandis que 9 225 autres ont été administrés avec le vaccin à ARNm modifié, deux options comparées sur la même période de vaccination.

Les critères d’évaluation : mesurer la réduction de la grippe confirmée en laboratoire

L’objectif principal de cette étude était d’évaluer l’efficacité relative du vaccin à ARNm par rapport au vaccin standard. Plus précisément, la mesure clé portait sur la diminution du pourcentage de participants présentant une grippe confirmée par des tests en laboratoire, au moins 14 jours après la vaccination et en présence de symptômes grippaux. Cette approche permet d’évaluer la capacité du vaccin à prévenir une infection active tout en considérant le délai nécessaire à la mise en place de la protection immunitaire.

Différencier la vaccination classique du vaccin à ARNm

Il est utile de rappeler que la méthode conventionnelle de vaccination consiste à administrer une version atténuée ou inactivée d’un agent infectieux. À l’inverse, un vaccin basé sur l’ARN messager fonctionne par une approche différente : il ne contient pas l’antigène lui-même, mais plutôt une instruction génétique — sous forme d’ARN — que les cellules du patient utilisent pour synthétiser elles-mêmes une partie du virus, généralement une protéine spécifique. Ce mécanisme incite le système immunitaire à se préparer à reconnaître et neutraliser le pathogène sans qu’il soit nécessaire d’introduire un virus entier ou une partie atténuée de celui-ci.

Comment fonctionne la technologie de l’ARNm ?

Concrètement, ce n’est pas l’antigène du virus qui est injecté à proprement parler, mais une molécule d’ARN qui porte l’information nécessaire. Vos cellules utilisent cette information pour produire des fragments de protéines virales sélectionnés pour leur capacité à stimuler une réponse immunitaire efficace. Ces protéines servent alors d’antigènes à l’organisme, provoquant l’activation du système immunitaire et la formation de mémoires immunitaires en vue d’une possible future infection par le virus.

Les résultats : une efficacité supérieure à 34,5 %

Les résultats issus de cette étude contrôlée en double aveugle, publiés dans le prestigieux Journal of the New England Medical Journal, montrent que le vaccin à ARNm modifié offre une amélioration notable en termes d’efficacité. Selon les auteurs, cette nouvelle formulation présente une augmentation de 34,5 % de la protection contre la grippe par rapport à la vaccination classique. Sur cette période, 57 cas de grippe ont été recensés dans le groupe recevant le vaccin à ARNm, contre 87 dans celui bénéficiant du vaccin standard.

Une efficacité limitée pour la souche B, mais une tendance encourageante

Les résultats concernant le virus de souche B n’ont pas été aussi marquants, probablement en raison de la faible circulation de cette souche durant l’étude, avec seulement deux cas observés. Malgré cela, les chercheurs ont souligné que le vaccin à ARNm avait montré une efficacité statistiquement supérieure à celui du témoin, notamment en générant des réponses immunitaires plus robustes contre les variantes A/H3N2 et A/H1N1 du virus de la grippe.

Une tolérance légèrement plus compliquée à supporter

En ce qui concerne la sécurité et la tolérance, ce nouveau vaccin à ARNm a été associé à un plus grand nombre d’effets secondaires, principalement locaux ou systémiques. Près de 70,1 % des participants utilisant le vaccin à ARNm ont signalé des réactions locales, contre 43,1 % dans le groupe témoin. De même, 65,8 % ont rapporté des réactions systémiques, comparables à 48,7 % dans l’autre groupe. Un épisode de fièvre a été observé chez 5,6 % des personnes ayant reçu le vaccin à ARNm, contre seulement 1,7 % dans le groupe contrôlé.

Quels sont les avantages des vaccins à ARNm pour la lutte contre la grippe ?

L’un des enjeux majeurs dans la lutte contre la grippe est que l’efficacité des vaccins traditionnels dépend de l’adéquation entre les souches vaccinales et celles qui circulent réellement. Or, cette compatibilité est parfois sous-optimale, ce qui limite la protection offerte. La perspective d’un vaccin à ARNm modifié présente donc un avantage intéressant : il pourrait permettre une fabrication plus rapide, facilitant une adaptation plus réactives aux évolutions du virus. En effet, l’élaboration de ces vaccins modernes prend moins de temps, rendant possible une meilleure précision dans le choix des souches à inclure.

Une adaptation optimale grâce à la technologique ARNm

Chaque année, les souches de la grippe en circulation changent, ce qui oblige à renouveler la composition des vaccins annuels. La sélection des souches se fait généralement sur la base des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), élaborées en début d’année en se fondant sur l’analyse des souches dominantes durant la saison grippale dans l’hémisphère Sud. Ce processus est néanmoins soumis à des limites, notamment si le virus mute entre-temps, rendant la prédiction moins précise. La technologie à ARNm pourrait changer la donne, en permettant de produire le vaccin plus rapidement, en incorporant les informations sur les antigènes les plus actuels, ainsi qu’en améliorant la correspondance entre la vaccin et les virus en circulation.

Optimiser le timing pour une meilleure protection

Plus la vaccination intervient tard dans la saison, plus les chances de choisir efficacement les bonnes souches augmentent. Nicholas Brousseau, spécialiste en médecine préventive à l’Institut national de santé publique du Québec, explique que le délai d’attente permet d’obtenir des choix plus pertinents, puisque le virus de la grippe évolue rapidement. Par conséquent, il est essentiel de disposer d’un processus de fabrication capable de suivre ces mutations pour offrir une meilleure protection aux populations.

Des perspectives prometteuses pour la recherche sur le vaccin à ARNm contre la grippe

Pour l’instant, ces essais ont été menés uniquement chez des adultes entre 18 et 64 ans, avec des résultats qui montrent une meilleure efficacité contre la souche A, bien que cette formulation ait également entraîné une augmentation des réactions secondaires. La recherche sur ces nouveaux vaccins à ARNm est encore en développement, et il faudra attendre plusieurs années avant l’éventuelle mise sur le marché d’un vaccin à l’échelle mondiale. Toutefois, ces premiers éléments indiquent que la voie est prometteuse pour améliorer la prévention de la grippe à l’avenir.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.