Trouver le bon équilibre entre fibres alimentaires et syndrome de l’intestin irritable

Sophie Lambert

Comprendre le rôle des fibres dans la gestion du syndrome de l’intestin irritable

Les différents types de fibres et leur localisation dans l’alimentation

Les fibres insolubles, telles que la cellulose, les hémicelluloses ou encore la lignine, sont principalement présentes dans la couche extérieure des graines, dans la peau des fruits ou encore dans certaines parties du végétal. En revanche, les fibres solubles, comprenant la pectine, les gommes ou encore les mucilages, se trouvent plutôt au cœur des végétaux. Tous ces types de fibres jouent un rôle essentiel dans la digestion, en favorisant un transit intestinal régulier et en contribuant à la santé de la flore intestinale. On les retrouve dans une variété d’aliments : légumes, fruits, céréales complètes, légumineuses, fruits à coque ou encore graines.

Les recommandations nutritionnelles concernant la consommation de fibres varient, mais elles s’accordent sur un apport quotidien idéal compris entre 25 et 30 grammes. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), il est conseillé d’atteindre ces niveaux pour un bon équilibre. Quant à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle recommande également de consommer au minimum 25 grammes de fibres par jour. Toutefois, en France, la majorité de la population atteint en moyenne environ 20 grammes par jour, ce qui reste en dessous des recommandations.

Pour les personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable (SII), la consommation de fibres peut poser problème, car la réponse varie d’une personne à l’autre. Johana Le Lorrec, lors d’un webinaire organisé par l’Association des Patients Souffrant du Syndrome de l’Intestin Irritable (APSSII), souligne que, en pratique, elle remarque que beaucoup de patients présentent un apport en fibres inférieur à ce qui serait optimal. Par ailleurs, certains individus, à l’inverse, consomment de manière excessive des fibres, dépassant largement les seuils recommandés, ce qui peut aussi poser des problèmes.

Traumatismes ou expériences excessives face aux fibres : leurs impacts sur le vécu des SII

Vivre avec le SII peut compliquer la manière d’intégrer un apport adéquat en fibres dans son alimentation. La peur, souvent justifiée, de déclencher ou d’aggraver ses symptômes pousse fréquemment les patients à limiter leur consommation alimentaire. Cela devient une stratégie d’évitement pour éviter des crises douloureuses ou inconfortables. Par ailleurs, le contexte scientifique entourant l’impact des fibres sur le SII est souvent flou ou dépassé, car les recherches évoluent rapidement. La perception personnelle des symptômes joue elle aussi un rôle déterminant : certains associent une crise sévère à une consommation élevée en fibres, et par ces expériences négatives, finissent par réduire leur consommation, voire l’abandonner totalement.

D’un autre côté, d’autres personnes rapportent une amélioration notable de leurs symptômes lorsqu’elles suivent un régime sans résidus (régime pauvre en fibres) avant une intervention médicale comme une coloscopie. Cette meilleure expérience peut leur faire croire à l’efficacité de l’évitement total des fibres, ce qui peut fausser leur conception du traitement idéal.

Faut-il se fier aux informations sur les fibres et le SII ?

Selon la nutritionniste spécialisée, toutes les fibres ne sont pas égales en termes de tolérance. Certaines variétés ou certains aliments riches en fibres insolubles sont moins bien supportés chez les patients atteints du SII, car ils peuvent irriter la muqueuse ou stimuler excessivement le transit. En revanche, il existe des fibres ou aliments qui apportent un avantage évident pour calmer ou améliorer certains symptômes. L’essentiel consiste à intégrer ces fibres de manière adaptée plutôt que de les éliminer entièrement. La réponse à ces fibres est très variable selon chaque patient, c’est pourquoi il est primordial de consulter un professionnel compétent, que ce soit un diététicien ou un médecin spécialisé dans le domaine.

Voici quelques recommandations concrètes : dans les syndromes à tendance diarrhéique, il peut être utile de modérer, sans supprimer totalement, certains aliments riches en fibres insolubles ou irritantes, comme les céréales complètes, les légumineuses ou encore les fruits et légumes crus, notamment ceux à peau. En revanche, pour les formes à tendance constipation ou mixte, il est souvent bénéfique d’augmenter la consommation globale de fibres. Il est conseillé de privilégier davantage les fibres solubles, présentes dans l’avoine, la chair de certains fruits et légumes, ou encore dans les graines de lin ou de chia. Cependant, il faut veiller à ne pas trop augmenter la part de fibres insolubles, dont l’effet peut être mécanique sur le transit. La personnalisation du régime est essentielle.

Il est aussi important d’être vigilant face au régime pauvre en FODMAPs, qui limite certains sucres fermentescibles. S’il n’est pas encadré, ce type de régime peut entraîner un déficit en fibres, car il pousse souvent à exclure massivement fruits et légumes ou à remplacer ces aliments par des produits raffinés, souvent pauvres en fibres.

Les stratégies pour améliorer la tolérance aux fibres et optimiser leurs effets digestifs

Pour préserver ou améliorer la tolérance aux fibres, voici quelques conseils pratiques :
– Bien mastiquer ses aliments augmente leur digestibilité. Les fibres bien broyées fermentent moins rapidement, ce qui limite la production de gaz et la sensation de ballonnement. Une consommation lente aide également à réduire la quantité d’aliments ingérés d’un coup, apportant ainsi plus de confort digestif.
– La consommation d’eau doit être suffisante, car des fibres mal hydratées sont peu efficaces, voire néfastes, notamment pour le transit.
– Répartir ses apports en fibres durant la journée permet une meilleure tolérance. En les intégrant graduellement dans chaque repas, on limite leur impact négatif tout en bénéficiant de leurs effets positifs.
– La façon dont une alimentation est préparée joue aussi un rôle : mixer ou cuirelonguement certains aliments modifie la structure des fibres, ce qui peut les rendre moins irritantes. Dans le même temps, cela peut réduire leur effet mécanique sur le transit.

Il est à noter que l’épluchage d’un aliment élimine une grande partie des fibres insolubles présentes dans la peau, comme dans une pomme, une poire, une carotte ou une courgette.

Que faut-il penser des compléments en fibres ?

Les compléments alimentaires à base de fibres se divisent en deux grandes catégories : ceux composés de fibres insolubles issus du son de blé ou de fruits séchés, et ceux riches en fibres solubles à viscosité élevée, comme le psyllium ou la gomme de guar partiellement hydrolysée (PHGG).

Les premières peuvent, dans certains cas, apporter un confort supplémentaire, mais leur ingestion peut aussi provoquer des irritations ou augmenter les ballonnements. En revanche, les compléments riches en fibres solubles et à forte viscosité ont accumulé un certain niveau de preuves scientifiques attestant de leur efficacité, en particulier pour les syndromes à tendance constipation ou mixtes.

Pour les formes à tendance diarrhéique, leur utilisation n’est pas systématique, mais elle peut contribuer à améliorer la consistance et la fréquence des selles, tout en procurant un meilleur confort digestif global. L’automédication est déconseillée : même si ces produits sont en vente libre, ils peuvent interagir avec d’autres traitements ou poser des contre-indications. Leur utilisation doit être encadrée par un professionnel de santé, qui déterminera la posologie et le bon moment pour les prendre afin d’optimiser leurs bénéfices et éviter tout risque.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.