Septembre jaune : des dispositifs d’aide pour prévenir le suicide en santé

Sophie Lambert

Octobre en silence : la lutte contre le suicide en France

Le mois d’octobre est traditionnellement dédié à la sensibilisation à la prévention du suicide, un enjeu de santé publique majeur en France. Cependant, en septembre, une campagne spécifique nommée « Septembre jaune » vise à attirer l’attention sur cette problématique cruciale. La journée mondiale de prévention du suicide se déroule chaque année le 10 septembre, soulignant l’importance de briser le tabou qui entoure encore trop souvent cette question. Malgré des efforts importants au fil des années, les statistiques françaises indiquent que le nombre de suicides reste stable, après avoir connu un recul significatif de 30 % depuis le début des années 2000.

Une réalité préoccupante : le suicide en chiffres

En France, l’ampleur du phénomène est évidente : en moyenne, 25 personnes mettent fin à leurs jours chaque jour, ce qui équivaut à environ 9 000 décès par an. À cette statistique s’ajoutent près de 200 000 tentatives de suicide chaque année, révélant une gravité profonde du problème. Le suicide représente également la principale cause de mortalité maternelle durant la première année après une naissance, soulignant sa dimension encore plus dramatique pour certains groupes vulnérables. Par ailleurs, chez les jeunes adultes âgés de 25 à 35 ans, il constitue la première cause de décès évitable, juste après les accidents de la route. Les chiffres illustrent également une tendance inquiétante chez les 18-25 ans : le nombre de tentatives déclarées a augmenté de 50 % entre 2017 et 2023.

Les hospitalisations pour actes auto-infligés connaissent aussi une hausse alarmante chez les adolescents. Entre 2017 et 2023, elles ont augmenté de 70 % chez les 10-14 ans, 46 % chez les 15-19 ans et 54 % chez les jeunes de 20 à 24 ans. La vulnérabilité touche particulièrement les hommes, qui subissent un risque de décès par suicide 3,5 fois supérieur à celui des femmes. Chez les personnes âgées, ce danger devient encore plus marqué : chez les hommes âgés de 85 à 94 ans, les décès dus au suicide sont 25 fois plus nombreux que chez ceux âgés de 25 ans. Ces tendances soulignent l’urgence d’intensifier les actions de prévention.

Malgré cette apparent nécessité, la stigmatisation et le silence entourant le suicide empêchent souvent un accès plus large à l’information et aux ressources d’aide. Charles-Edouard Notredame, psychiatre spécialiste de l’Enfance et de l’Adolescence au CHU de Lille, met en évidence cette problématique : « Si on n’évoque pas le suicide, les personnes souffrant d’idées suicidaires pensent que le sujet est interdit ou tabou. Elles se sentent alors honteuses et coupables, ce qui aggrave leur détresse et empêche leur prise de contact avec les dispositifs d’aide. Il est crucial que cette culture du silence cesse. La souffrance ne doit pas être ignorée ou dissimulée. »

Le défi demeure donc auprès des acteurs et de la société tout entière pour déstigmatiser la parole autour du suicide et faciliter le chemin à la détresse.

Les dispositifs existants pour prévenir le suicide

Pour faire face à cette problématique, plusieurs initiatives ont été déployées, avec en premier lieu le numéro national d’aide et de prévention, le 3114. Ce service, encore peu connu du grand public, a été lancé officiellement le 1er octobre 2021. Il est disponible en permanence, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, et est composé de professionnels formés spécifiquement pour accompagner les personnes en détresse psychologique ou présentant des idées suicidaires. Cette ligne vise à offrir une alternative accessible à ceux qui rencontrent des obstacles pour recourir aux soins classiques ou pour qui les dispositifs habituels ne suffisent pas.

Ce numéro ne sert pas uniquement aux personnes directement concernées : il constitue également un soutien précieux pour les proches ou toute personne préoccupée par l’état d’un proche. Par cette initiative, la France renforce sa stratégie nationale de prévention du suicide, annoncée dans la feuille de route « Santé mentale et psychiatrie 2018 ». La coordination est assurée par la Direction générale de la Santé, avec un relais régional par les agences régionales de santé (ARS).

Le dispositif constitue un complément à VigilanS, un programme destiné à maintenir le contact avec les patients hospitalisés après une tentative de suicide. L’objectif est de réduire la récidive, un enjeu majeur pour éviter de nouvelles situations de crise. Selon Santé publique France, l’évaluation de Vigilans a montré une baisse de 38 % du risque de réitération dans les 12 mois suivant la première tentative. Les patients suivis dans ce cadre sont contactés par des professionnels, appelés « vigilanseurs », plusieurs jours à plusieurs mois après leur hospitalisation – par téléphone ou par courrier. La démarche a permis de constater des résultats significatifs dans la réduction des passages aux urgences ou hospitalisations successives pour faits suicidaires.

D’autres stratégies sont également utilisées : la formation de soignants et de la population à repérer les signes d’alerte, la mise en place de réseaux de sentinelles capables d’identifier rapidement les personnes en danger, ou encore la mobilisation de programmes spécifiques contre la contagion suicidaire, notamment le dispositif Papageno. Ces mesures collective, coordonnées et soutenues par de nombreux acteurs, visent à créer un environnement où la parole peut se libérer et où l’aide est accessible rapidement.

Ce mois de septembre sera ponctué d’événements et de campagnes de sensibilisation visant à faire connaître davantage le numéro 3114, à inciter à la prévention et à encourager les personnes en souffrance à demander de l’aide. Une campagne de communication sera également relayée sur les réseaux sociaux, mettant en avant un symbole fort : un parapluie jaune, représentation d’un refuge face aux pensées suicidaires.

Ce combat reste collectif, et chaque initiative, chaque parole peut contribuer à faire reculer cette dramatique réalité. Le ton doit désormais être celui de la solidarité et de l’écoute pour que personne ne se sente laissé pour compte face à la souffrance.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.