Se curer le nez : une pratique risquée pour votre santé ?

Sophie Lambert

Le comportement de se curer le nez : un geste courant mais parfois néfaste

Une étude menée aux États-Unis en 1995 a révélé que près de 9 adultes sur 10 avouaient se remettre le nez, avec une minorité d’entre eux reconnaissant même le faire de manière récurrente, jusqu’à une fois par heure. Si cette habitude est généralement considérée comme une action sans danger, il en va tout autrement lorsqu’on évoque la mucophagie, c’est-à-dire l’ingestion des crottes de nez. Bien que cela puisse paraître répugnant, cette pratique, que l’on voit souvent chez les jeunes enfants, soulève des interrogations quant à ses risques potentiels.

De quoi sont constituées les crottes de nez ?

Les crottes de nez sont principalement composées de mucus, une substance naturellement sécrétée par le nez pour assurer la protection des muqueuses. D’après les recherches de la Cleveland Clinic aux États-Unis, l’organisme humain produit en moyenne environ 1,5 litre de mucus chaque jour. Ce mucus joue un rôle essentiel, en tant que lubrifiant des voies respiratoires, mais aussi en formant une barrière contre diverses menaces telles que les bactéries, les virus ou les particules irritantes présentes dans l’environnement proche.

Ce mucus n’est pas neutre : il contient également de la poussière, du pollen et divers micro-organismes. La surface de la muqueuse nasale est tapissée de cils, ces petites structures qui facilitent le drainage en expulsant ces impuretés des voies respiratoires. Lorsqu’il sèche, le mucus se transforme en crottes qui emprisonnent toutes ces substances, les consolidant en un matériau dur.

Note importante apportée par le médecin généraliste Matthew Badgett : « Y a-t-il des bactéries ou autres éléments dans les crottes de nez ? Certainement. Mais si ceux-ci sont piégés dans la crotte, ils ont aussi un chemin pour rejoindre la gorge et l’estomac. Tout est connecté. » Une fois ingérés, ces déchets suivent leur route jusqu’à l’estomac, où ils sont détruits par l’acide gastrique, un mécanisme de défense très efficace. Par conséquent, la mucophagie et la présence de crottes de nez dans le corps ne seraient pas intrinsèquement nocives.

Les risques liés au nettoyage nasal et à la mucophagie

Malgré tout, plusieurs études ont mis en évidence que se manipuler le nez régulièrement peut comporter des risques. En 2016, une recherche a montré qu’une pratique fréquente de se curer le nez était associé à une augmentation de la présence du staphylocoque doré (S. aureus) dans la cavité nasale. Cette bactérie, qui peut être présente sans causer immédiatement de problème, peut devenir un agent pathogène si elle pénètre dans le corps, notamment en passant par des lésions au niveau de la muqueuse nasale.

Une étude approfondie précise que le fait de se fouiller le nez pourrait en réalité favoriser le portage du S. aureus. La déconnexion d’habitudes anciennes pourrait également simplifier la mise en œuvre de stratégies de décolonisation de cette bactérie. En effet, une fois en contact avec la peau ou les muqueuses, cette bactérie peut pénétrer dans la circulation sanguine si des petites blessures ou coupures apparaissent, nécessitant alors un traitement antibiotique.

Cependant, une autre menace plus récente et particulièrement inquiétante a été soulevée par des chercheurs australiens de l’Université Griffith en 2022 : outre le risque bactérien, se curer le nez pourrait également augmenter la probabilité de développer des maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou des formes de démence. La voie d’accès à cette problématique serait le nerf olfactif, considéré par les virus et bactéries comme une porte d’entrée pour atteindre le cerveau. Le professeur St John, impliqué dans ces travaux, expliquait que la bactérie Chlamydia pneumoniae peut remonter par cette voie et atteindre directement le cerveau, pouvant entraîner des affections similaires à la maladie d’Alzheimer. Ces résultats, observés chez la souris, soulignent la nécessité d’être prudent lorsqu’il s’agit de manipuler sa muqueuse nasale. Il est donc conseillé aux individus de prendre soin de leur intérieur nasal et d’éviter de se gratter ou d’arracher le mucus excessivement.

Recommandations pour limiter ces comportements

Afin de prévenir la consommation des crottes de nez, qui reste une habitude peu hygiénique et potentiellement préoccupante, la Cleveland Clinic suggère quelques mesures simples : utiliser un humidificateur d’air dans la pièce pour limiter la formation de crottes sèches, favoriser le rinçage nasal avec une solution saline pour garder le mucus hydraté, et garder des mouchoirs à disposition pour se nettoyer discrètement. Pour ce qui est du nettoyage du nez, il peut parfois s’apparenter à des comportements compulsifs, notamment en cas de trouble appelé rhinotillexomanie. Dans ce cas, il est vivement conseillé d’en parler à un professionnel, afin de réduire cette habitude à l’aide d’une thérapie appropriée.

Quant aux enfants, ils ont tendance à arrêter cette pratique naturellement en grandissant. Selon Matthew Badgett, « ils peuvent aussi cesser quand ils réalisent que ce n’est pas quelque chose que leurs amis font ou qu’ils prennent conscience de son dégoût ». En somme, avec le temps, la majorité tend à abandonner ce comportement de soi-même ou sous l’effet d’un contexte social, pour préserver à la fois leur hygiène et leur santé.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.