La proposition de loi Duplomb : une dernière étape avant son adoption
Le mardi 8 juillet est attendu le dernier vote à l’Assemblée nationale pour valider définitivement la loi Duplomb, un texte qui vise à supprimer certaines réglementations pour faciliter la pratique de l’agriculture. Intitulée officiellement « loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », cette législation soulève des controverses, notamment en raison de son contenu. En effet, elle prévoit la réintroduction d’un pesticide appartenant à la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride, interdit en France depuis 2018 en raison de ses effets nocifs.
Malgré cette interdiction nationale, la substance bénéficie toujours d’une autorisation de mise sur le marché en Europe, où elle pourra être utilisée jusqu’en 2033. Cependant, l’évaluation menée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2024 a mis en évidence des ambiguïtés importantes concernant sa neurotoxicité, particulièrement sur le développement du système nerveux. La conclusion de l’EFSA soulignait la nécessité de rassembler davantage de données pour comprendre pleinement les mécanismes de dangers associés à cette molécule. En outre, elle suggérait de réduire la dose journalière admise afin de mieux limiter les risques potentiels pour la santé humaine.
Un danger majeur : l’exposition in utero à l’acétamipride
Plusieurs études biologiques ont révélé que cette substance pourrait représenter un danger pour le développement neurologique des enfants. La plus ancienne, parue en 2017 dans la revue Environ Health Perspectives, a analysé la relation entre la proximité du lieu de résidence des femmes enceintes et l’utilisation d’insecticides, notamment ceux à base de néonicotinoïdes, dans leur environnement professionnel ou résidentiel. Elle a examiné si cette proximité pouvait influencer le développement du système nerveux chez les enfants, à l’âge de 7 ans.
Les résultats ont indiqué une corrélation préoccupante : plus la mère résidait près des zones où ces pesticides étaient appliqués pendant la grossesse, plus le QI des enfants diminuait, tout comme leur capacité de compréhension orale. Cela soulignait un impact potentiel de l’exposition prénatale à ces produits toxiques sur la neurodevelopment.
Une autre recherche, publiée en 2023 dans la revue Environmental Health Perspectives, a approfondi cette thématique en étudiant l’association entre l’exposition prénatale à plusieurs insecticides, dont l’acétamipride, et les premiers stades du développement neurologique chez des enfants de deux ans. Cette étude a montré que les filles et les garçons exposés à des concentrations plus importantes présentaient de plus faibles scores lors de l’évaluation cognitive par le test de Bayley, qui mesure le développement cognitif de jeunes enfants de moins de 4 ans. Ces effets semblaient surtout plus marqués chez les garçons, ce qui alimente les inquiétudes concernant la toxicité des pesticides sur le cerveau en pleine croissance.
Face à ces constats, l’ONG Générations Futures a indiqué, dans un rapport récent, que près de 40 études scientifiques avaient été publiées en seulement deux ans, toutes attestant de la toxicité de l’acétamipride. Ces données renforcent le débat sur la sécurité de ce produit et la nécessité de renforcer la prévention lors de l’utilisation de pesticides dans le domaine agricole.
Les risques liés à la réintroduction de l’acétamipride : un enjeu de santé publique
La députée et experte en environnement, Franceinfo, a recueilli la voix de Francelyne Marano, présidente du comité de pilotage cancer et environnement de la Ligue contre le cancer. Elle a exprimé ses regret face à l’absence d’application du principe de précaution, surtout à la lumière des résultats d’une étude expérimentale menée en 2022. Cette recherche avait montré que l’acétamipride pouvait provoquer le cancer du sein chez la souris, rendant la réintroduction de ce pesticide particulièrement inquiétante.
Ce scepticisme partagé par plusieurs institutions françaises est confirmé par une tribune signée par la Ligue contre le cancer, la Société française de pédiatrie, la Société française de neurologie, la Société française du cancer, la Fondation pour la recherche médicale et le CNRS. Leur message est sans équivoque : le système actuel d’homologation des pesticides est insuffisant, car il se limite à des tests en laboratoire qui n’indiquent pas forcément tous les effets néfastes pour la santé humaine. La récente histoire de certains produits comme le lindane, la chlordécone ou le malathion démontre qu’un produit peut être autorisé trop tôt, pour ensuite être interdit après que ses effets délétères ont été mis en lumière.
Ces spécialistes appuient leur propos en citant un rapport publié par l’Inserm en 2021, qui établit un lien fort entre l’exposition aux pesticides et divers types de cancers, notamment ceux de la prostate, des leucémies, des myélomes, des lymphomes, ainsi que certains cancers pédiatriques comme les leucémies ou les tumeurs du système nerveux central. Au-delà des cancers, ils évoquent aussi un ensemble de maladies neurodégénératives, telles que la maladie de Parkinson, ainsi que des troubles cognitifs et respiratoires chroniques. Chez l’enfant, les experts alertent également sur les troubles du développement neuropsychologique et moteur, qui peuvent résulter d’une contamination aux pesticides durant la période sensible de la croissance.
Ce contexte soulève ainsi un sérieux débat sur la nécessité de repenser la réglementation concernant l’usage des pesticides, notamment en renforçant les évaluations de leur toxicité et en intégrant davantage la notion de précaution pour mieux protéger la santé publique.
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