Santé : le sexe des enfants dans une fratrie, une loterie génétique plus prévisible qu’il n’y paraît

Sophie Lambert

Sexe de l’enfant : une influence possiblement liée à des facteurs biologiques et génétiques ?

Selon une étude menée par des chercheurs de l’université de Harvard et publiée dans la revue Science Advances le 18 juillet, le sexe de l’enfant pourrait ne pas être totalement aléatoire comme on le pense habituellement. En effet, si l’on sait que, sur l’ensemble de la population mondiale, il naît un peu plus de garçons que de filles, avec un ratio d’environ 106 garçons pour 100 filles, il apparaît que dans certaines familles, la composition en termes de sexe ne respecte pas cette tendance globale. Par exemple, on connaît des fratries exclusivement composées de filles ou uniquement de garçons. La question se pose alors : pourquoi des familles comme celles des frères Gibb, les Bee Gees, ou encore des frères Hemsworth, Liam, Chris et Luke, ne suivent-elles pas la proportion « naturelle » ? Est-ce que le sexe biologique d’un enfant serait influencé par d’autres éléments que la simple chance ?

Pour tenter de répondre à cette interrogation, l’équipe de Harvard a analysé un échantillon considérable : plus de 146 000 grossesses suivies chez 58 000 femmes, toutes infirmières, entre 1956 et 2015. Leur étude a porté sur huit caractéristiques différentes, telles que la taille, l’indice de masse corporelle (IMC), la couleur des cheveux, le groupe sanguin ou encore l’âge de la mère au moment de la première naissance. Ces données ont permis d’observer des tendances et de détecter des patterns concernant la probabilité de donner naissance à un garçon ou une fille.

Les résultats ont révélé une surprise : dans certaines familles, la probabilité d’avoir un enfant du même sexe augmente avec le nombre de fils ou de filles déjà présents. Autrement dit, après avoir eu deux ou trois enfants d’un même sexe, les mères semblaient plus susceptibles de continuer à avoir des enfants de ce même sexe. Concrètement, lorsqu’une mère a déjà eu trois garçons, ses chances d’accueillir un quatrième garçon sont majorées de 61 %. À l’inverse, une famille composée de trois filles a 58 % de chance supplémentaire que le prochain enfant soit aussi une fille. Selon Jorge Chavarro, professeur de nutrition et d’épidémiologie, principal auteur de l’étude, cela signifie que si vous avez déjà plusieurs enfants du même sexe, il y a plus de chances que votre prochain enfant partage ce même sexe. La chance de changer de sexe diminue alors.

Une autre hypothèse évoquée par les chercheurs concerne l’impact de l’âge maternel sur le sexe de l’enfant. Leur étude indique que les femmes qui ont donné naissance à leur premier enfant à un âge supérieur à 28 ans ont une légère tendance à avoir uniquement des garçons ou uniquement des filles. Selon Chavarro, cela pourrait résulter de modifications biologiques liées au vieillissement, telles qu’un raccourcissement de la phase folliculaire ou des changements dans l’acidité vaginale. En effet, une phase folliculaire plus courte pourrait favoriser la survie du chromosome Y (garçon), tandis qu’un environnement vaginale plus acide favoriserait la préservation du chromosome X (fille). Chaque femme pourrait ainsi présenter une prédisposition aux facteurs influençant le sexe de son bébé.

L’étude va également plus loin en mettant en lumière la possible influence de certains gènes. Deux gènes en particulier ont été identifiés comme étant potentiellement liés à la tendance à n’avoir que des filles ou que des garçons. Jorge Chavarro souligne qu’ils ignorent encore pourquoi ces gènes seraient associés au sex de naissance, mais leur simple existence soulève de nouvelles interrogations quant à la biologie du sexe.

Cependant, ces résultats comportent des limites importantes. D’une part, aucune information n’a été recueillie concernant le comportement ou le mode de vie des pères, qui pourraient également influer sur le sexe de l’enfant. D’autre part, l’échantillon étudié est essentiellement constitué de femmes blanches résidant aux États-Unis, ce qui limite la généralisation des résultats. En outre, le fait que toutes les participantes soient des infirmières pourrait également biaiser les données, étant donné leur environnement professionnel spécifique, susceptible d’influencer certains aspects biologiques ou hormonaux.

En définitive, cette étude suggère que plusieurs facteurs biologiques, liés à l’âge, à la génétique ou aux conditions internes du corps féminin, pourraient jouer un rôle dans la détermination du sexe de l’enfant. Elle ouvre la voie à de futures recherches pour approfondir la compréhension de ces mécanismes, notamment en étudiant l’impact potentiel du mode de vie, de l’alimentation ou encore de l’exposition à certains produits chimiques. Si ces éléments se confirment, ils pourraient permettre de mieux appréhender la complexité de la reproduction humaine et de mieux comprendre pourquoi certaines familles semblent déroger à la règle statistique.

Sources : La Washington Post, Science Advances, École de santé publique de Harvard.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.