Santé des enfants : différences selon l’âge, le sexe et l’origine sociale face aux écrans

Sophie Lambert

Une utilisation des écrans quasiment généralisée chez les jeunes enfants

La majorité des enfants âgés de 3 à 11 ans consacre régulièrement du temps à regarder des écrans, avec une dominance claire de la télévision. Selon l’étude Enabee, une recherche nationale portant sur le bien-être des enfants, rendue publique le 25 septembre par Santé publique France, il apparaît que la durée d’exposition aux écrans augmente substantiellement avec l’âge : les tout-petits de 3 à 5 ans passent en moyenne 1 heure et 22 minutes par jour devant un écran, tandis que les enfants de 9 à 11 ans dépassent souvent deux heures et trente minutes. Un constat alarmant qui montre une tendance à une consommation de plus en plus intense à mesure que les enfants grandissent.

Un autre point préoccupant concerne l’équipement des chambres des plus jeunes. La présence d’écrans devient courante avec l’âge, la télévision étant en tête, suivie de près par les consoles de jeux et, plus tard, par les tablettes numériques. La réalité montre ainsi une banalisation de ces dispositifs dans l’espace privé de l’enfant, ce qui soulève des questions quant à leur impact sur leur développement et leur sommeil.

Les usages technologiques varient également selon l’âge et le genre. Alors que la télévision reste l’écran principal jusqu’à la fin de l’école élémentaire, les comportements s’orientent vers une diversification progressive. Les garçons privilégient davantage les consoles de jeux, tandis que les filles adoptent plus rapidement les smartphones à partir de l’âge de 9 ans. En dépit d’interdictions en vigueur en France pour les moins de 13 ans, une proportion importante des enfants de 9 à 11 ans utilise déjà les réseaux sociaux, avec 25 % d’entre eux qui y accèdent, un chiffre encore plus élevé chez les filles. De plus, près de 2,4 % des enfants âgés de 6 à 8 ans et environ 5 % de ceux de 9 à 11 ans ayant accès à ces plateformes déclarent avoir subi des moqueries ou des humiliations en ligne, ce qui souligne la vulnérabilité des plus jeunes face aux dangers du numérique.

Les disparités sociales précoces et les comportements parentaux face aux écrans

Une autre dimension révélée par cette étude concerne les différences sociales dans la pratique de l’usage d’écrans. Il ressort que les enfants issus de milieux moins favorisés passent en moyenne beaucoup plus de temps devant les écrans, et ont davantage tendance à disposer d’appareils numériques personnels ou à avoir un écran dans leur chambre. Ces écarts sont particulièrement marqués dès le plus jeune âge : chez les 3 à 5 ans, 72 % des enfants issus des familles avec un faible niveau de diplôme dépassent une heure quotidienne d’exposition, contre seulement 35 % dans les familles mieux diplômées. Chez les 6 à 8 ans, plus de la moitié (55 %) des enfants des milieux moins favorisés dépassent deux heures d’écran chaque jour, alors que cette proportion tombe à 20 % dans les milieux plus aisés. En résumé, chez les 9 à 11 ans, ces chiffres s’établissent respectivement à 73 % pour celles dépassant deux heures et à 39 % dans les familles où le profil socio-économique est plus favorable.

En ce qui concerne le rôle des parents, la majorité d’entre eux (environ 9 sur 10) affirme suivre ou encadrer le temps que leurs enfants consacrent aux écrans. Cependant, le contrôle sur le contenu visionné semble plus fluctuant : il diminue avec l’âge de l’enfant. À titre d’exemple, plus de la moitié (52 %) des parents d’enfants entre 3 et 5 ans déclarent limiter fréquemment certains contenus ; cette proportion baisse à 45 % pour les 6 à 8 ans, et chute à 36 % pour ceux âgés de 9 à 11 ans. La situation devient encore plus préoccupante puisque, pour un pourcentage compris entre 5 et 9 %, selon l’âge, ces parents avouent ne jamais limiter les contenus, laissant ainsi leurs enfants naviguer sans restriction ni supervision. La situation souligne donc un déficit de contrôle qui risque de favoriser l’exposition à des contenus potentiellement nuisibles.

Selon la Dre Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France, cette étude met en lumière l’existence persistante d’inégalités sociales dans l’utilisation des écrans dès la petite enfance. Elle insiste sur l’urgence de mettre en place des actions collectives afin de réduire ces écarts sociaux, qui risquent d’entériner des différences dès le plus jeune âge. Ces résultats solides formeront la base d’un prochain programme de communication de Santé publique France visant à sensibiliser davantage quant à la gestion saine de l’exposition aux écrans chez les jeunes enfants.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.