Réseaux sociaux : les conseils dangereux des influenceurs pour bien dormir

Sophie Lambert

Les conseils insolites et potentiellement risqués pour améliorer la qualité du sommeil

De nombreux influenceurs prônent aujourd’hui des méthodes totalement improbables pour mieux dormir. Parmi ces recommandations farfelues, on trouve des pratiques aussi étonnantes que dangereuses, comme se coller la bouche avec du ruban adhésif pour empêcher la respiration orale durant la nuit, ou encore recouvrir le corps d’une couverture extrêmement lourde pour favoriser un sommeil réparateur. Certains proposent également d’ingérer à haute dose des compléments alimentaires tels que le magnésium ou la mélatonine, ou de manger massivement des kiwis avant de se coucher dans l’espoir d’améliorer leur sommeil. D’autres conseillent d’aller se coucher à une heure précise, comme 22 heures, en ne buvant aucune boisson deux heures avant l’endormissement, ou encore de dormir dans une chambre à la fois très sombre, fraîche et recouverte d’une couverture lourde censée aider au sommeil.

Cette vague de conseils en ligne s’est rapidement propagée sur des plateformes comme Twitter et TikTok, ainsi qu’à travers des magazines spécialisés. Depuis l’automne dernier, cette tendance appelée « sleepmaxxing », ou « optimisation du sommeil », a généré des millions de publications vantant diverses techniques pour maximiser la quantité et la qualité des nuits. Leur objectif est souvent de convaincre les insomniaques ou ceux qui ont des nuits agitées de suivre ces protocoles extrêmes, en leur promettant des résultats rapides et spectaculaires. Parmi ces suggestions, on trouve la prise régulière de compléments en mélatonine ou en magnésium, la consommation intensive de kiwis, ou encore des rituels peu orthodoxes tels que dormir la bouche scotchée ou ne pas boire une goutte d’eau avant de dormir pour éviter de se réveiller à cause de la vessie.

En matière d’environnement, certains recommandent de faire chambre à coucher dans une pièce exagérément sombre et fraîche, accompagnée d’une couverture très lourde couvrant tout le corps, dans l’espoir de favoriser un sommeil profond. Ces pratiques, souvent relayées sans aucune base scientifique, illustrent la fascination du public pour des « solutions miracles » qui promettent de transformer radicalement leur façon de dormir. Cependant, leur efficacité n’est nullement prouvée et certains d’entre elles peuvent même présenter des risques pour la santé.

Les dangers de certaines méthodes extrêmes

Une autre tendance virale concerne la tentative de lutter contre l’un des troubles du sommeil les plus sévères : l’insomnie associée au stress, qui peut créer un cercle vicieux difficile à rompre. Une vidéo ayant accumulé plus de 11 millions de vues sur Twitter suggère, par exemple, de suspendre la tête au-dessus de l’oreiller à l’aide d’une corde attachée à la tête de lit. Un conseil qui paraît aussi absurde qu’illogique, mais qui, malgré tout, gagne en popularité. Pourtant, cette pratique est alarmante, surtout à la lumière de la multiplication d’accidents mortels dans certains pays, notamment en Chine, où des médias d’État ont récemment évoqué le décès d’une personne victime d’une suffocation accidentelle lors d’une tentative de cette méthode. Les experts en somnologie alertent donc sur le fait que ces suggestions, présentées souvent comme des astuces pour mieux dormir, peuvent en réalité être extrêmement dangereuses.

Ce type de recommandations illustre à quel point certaines idées farfelues peuvent être normalisées sur les réseaux sociaux, malgré l’absence totale de validation médicale ou scientifique. Le professeur Timothy Caulfield, spécialisé dans la lutte contre la désinformation à l’Université de l’Alberta, insiste sur le fait que ces pratiques relèvent du ridicule, voire du dangereux. Il rappelle que l’insomnie et l’anxiété liées au sommeil peuvent être traitées efficacement par des méthodes non médicamenteuses, notamment la thérapie cognitive comportementale. Le professeur Eric Zhou, psychiatre et spécialiste du sommeil à Harvard, souligne que même les personnes considérées comme de bons dormeurs vivent parfois des nuits irrégulières. Pourtant, la science démontre qu’il existe des solutions éprouvées pour améliorer la qualité de sommeil sans recourir à des pratiques à haut risque : en quelques semaines seulement, la thérapie comportementale peut réduire considérablement les symptômes d’insomnie.

Les enjeux et limites de ces pratiques absurdes

Il est important de noter que de nombreuses astuces toxiques ou peu sérieuses circulant sur le web manquent de fondement médical. D’ailleurs, lorsqu’il s’agit de solutions pour prévenir le ronflement ou les mauvaises haleines, aucune étude crédible ne confirme l’efficacité du procédé consistant à se coller la bouche pour ne respirer que par le nez. En réalité, cette pratique peut même s’avérer très risquée pour les personnes souffrant d’apnées du sommeil, une condition souvent ignorée. Kathryn Pinkham, experte britannique en troubles du sommeil, exprime son inquiètude face à ces conseils qui sont souvent prodigués par des novices et n’ont aucune base solide. Elle insiste sur le fait que ces astuces peuvent mettre en danger ceux qui ont de vrais troubles du sommeil, en aggravant leur situation ou en provoquant des incidents inattendus.

Par ailleurs, concernant la prise de mélatonine pour traiter l’insomnie, l’Académie américaine de médecine du sommeil est très claire : ce produit pharmaceutique est principalement destiné aux voyageurs souffrant du décalage horaire, afin de limiter ses effets déstabilisants. Elle déconseille son usage en tant que traitement régulier pour l’insomnie sans avis médical précis, car il ne s’agit pas d’un remède universel et qu’une utilisation mal encadrée peut entraîner des effets secondaires indésirables.

Conclusion : La nécessité d’un regard critique face aux tendances en sommeil

En résumé, face à la prolifération de conseils aussi absurdes que potentiellement dangereux sur les réseaux sociaux, il est crucial d’adopter une posture critique. Le recours à des pratiques non validées, voire risquées, ne constitue pas une solution fiable pour améliorer son sommeil. La médecine et la recherche offrent pourtant des méthodes éprouvées, peu invasives, et souvent efficaces, comme la thérapie cognitivo-comportementale. Se laisser entraîner par des idées loufoques ou dangereuses, sous prétexte d’optimiser son sommeil, peut non seulement être inefficace, mais aussi déclencher des incidents graves. La priorité doit être mise sur la consultation de professionnels compétents et la vérification de la crédibilité des conseils avant de les essayer.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.