Renault 12 Alpine : une star en Argentine, inconnue en France

Sophie Lambert

Les changements opérés par Renault avec la sortie de la R12 : un choix stratégique surprenant

Lorsque Renault décide de remplacer la célèbre Renault 10 par une ****voiture à quatre portes, la marque ne passe pas inaperçue. Si la Renault 10 n’était pas particulièrement distincte ou innovante, les modèles récents tels que la Renault 16 et la Renault 6 avaient déjà montré une volonté d’audace et de nouveauté. Cependant, avec cette nouvelle voiture, Renault se détournait délibérément de l’élan un peu plus aventureux qu’elle avait affiché ces dernières années, en abandonnant notamment le hayon qui avait été un élément central de ses lignes.

Ce changement de cap s’inscrivait dans une stratégie claire : séduire principalement la classe moyenne, souvent conservatrice dans ses goûts automobiles. La réussite de la Peugeot 204, lancée quatre ans plus tôt, en était une parfaite illustration. La démarche de Renault semblait alors un peu prudente, presque timorée. Sur le plan technique, peu de nouveautés, si ce n’est l’adoption d’un ensemble mécanique déjà éprouvé.

Une mécanique simple et éprouvée

La Renault 12, en choisissant un essieu arrière rigide, annonçait d’abord la couleur : une voiture orientée simplicité plutôt que performance ou innovation technique. Même si la marque avait développé une version à traction, la R12 ne proposait pas là une révolution dans la conception de la familiale. Concernant son moteur, Renault se reposait sur un bloc quatre cylindres, un moteur connu et construit en fonte, que l’on désignait en interne sous le nom de “Cléon Fonte”. Ce moteur, robuste et facile à entretenir, représentait un atout considérable pour la durabilité de la voiture sur le marché. Sa simplicité mécanique, tout en étant peu sophistiquée, allait rapidement devenir un point fort pour la longévité et la fiabilité du modèle.

Une orientation clairement tournée vers les marchés du Sud

L’aspect qualifié de traditionnel ou classique de la Renault 12 n’était pas anodin. Pierre Dreyfus, alors à la tête de Renault, voyait dans cette voiture le levier pour faire du constructeur une marque plus aisément exportable. La libéralisation commerciale en Europe, avec la levée des barrières douanières entre les pays membres de la Communauté européenne, ouvrait de nouvelles perspectives pour le développement international. Mais cela supposait de proposer des modèles en adéquation avec les préférences des clients locaux. Dans cette optique, les marchés du sud de l’Europe en particulier, appréciant les berlines tricorps, sur lesquels la facilité d’entretien comptait beaucoup, devenaient des cibles prioritaires pour la Renault 12.

Les résultats furent rapidement encourageants. La voiture s’imposa notamment en Espagne et au Portugal, où une chaîne de montage fut rapidement installée pour produire localement ces véhicules. Les responsables de Renault se mirent à parcourir la planète, équipant de nombreuses régions d’Asie, du Moyen-Orient, d’Amérique ou d’Afrique avec des lignes de montage destinées à assembler la Renault 12. Entre la Turquie, l’Irlande, l’Australie, le Canada, Madagascar, le Maroc, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud, la Roumanie, le Brésil ou encore l’Argentine, la présence de cette berline devint presque universelle, témoignant de la popularité et de l’adaptabilité de ce modèle.

La Renault 12 Alpine a été modifiée en profondeur. Photo issue de la publicité Renault

Un succès persistant en Argentine

En Argentine, deux décennies après sa mise en circulation locale, la Renault 12 jouit d’un rayonnement exceptionnel. Elle domine toujours le marché argentin, ayant conservé sa place de leader pendant cinq années de rang, entre 1984 et 1988. Au total, la Renault 12 restera la voiture la plus vendue du pays durant neuf années, en comptant ses présences en 1976, 1978 et 1980. Ce record surpassa celui de nombreux autres modèles et ne sera égalé que par la Volkswagen Gol en 2008.

Une version plus rare de la Renault 12 vit également le jour en Argentine, un modèle qui allait marquer l’esprit des passionnés : la Renault 12 Alpine. Contrairement à la version de série, cette déclinaison sportive, dont la production fut limitée, a été conçue pour représenter la marque lors de compétitions de rallye tout en incitant un public plus jeune à s’intéresser à la voiture.

Une version sportive limitée et exclusive

Face à la réussite de la Renault 12 sur le marché argentin, la filière locale de Renault se lança dans la création d’un modèle spécialement conçu pour la compétition et destiné à donner une image plus dynamique. La Renault 12 Alpine fut ainsi développée à partir de 1977, en intégrant des modifications techniques qui faisaient d’elle une voiture nettement plus performante. Son moteur, une version du 1397 cm3 de la Renault 5 Alpine produite localement, la propulsait avec une puissance doublée par rapport à la version standard. Avec 108 chevaux, contre 54 auparavant, la voiture pouvait atteindre des vitesses de pointe significatives pour l’époque. Le capot, réalisé en fibre de verre, comprenait une bosse pour laisser suffisamment de place au moteur, lui conférant une apparence sportive et distinctive.

La Renault 12 Alpine se distingue aussi par ses nombreuses modifications techniques et esthétiques, conçues pour optimiser ses performances et son look. La culasse était spécifique, avec des pistons importés de France, et elle disposait de collecteurs d’admission et d’échappement sur mesure. La ventilation, les suspensions, les barres stabilisatrices, ainsi que le filtre à air et le carburateur furent améliorés. Son tableau de bord était complet, équipée de phares additionnels, d’un petit volant, d’un radiateur plus gros, de freins renforcés et de ceintures à enrouleurs, pour une sécurité accrue.

Une rareté qui en fait une pièce de collection

Malgré ses performances accessibles pour l’époque — vitesse maximale de 175 km/h et performances globales — la version Alpine de la Renault 12 ne rivalisait pas avec la célèbre Gordini. Pourtant, elle représentait la Renault la plus rapide du continent sud-américain, ce qui en faisait une voiture de rêve pour beaucoup d’amateurs locaux. Son processus de fabrication relativement artisanal, avec un assemblage à la main, expliquait en partie sa rareté. La multiplication des pièces importées, qui coûtaient jusqu’à 40 % de plus que celles de série, limitait sa production.

Avec sa peinture en noir et or, la Renault 12 Alpine demeure une voiture iconique et très convoitée, que peu pouvaient se permettre en raison de son prix élevé, supérieur d’au moins 30 % à celui de ses concurrentes. Entre 1977 et 1980, seulement 493 exemplaires de cette version furent réalisés, ce qui contribue à augmenter leur valeur et leur statut de modèle de collection recherché par les passionnés.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.