L’illusion de compétence : quand un quart des personnes pensent pouvoir faire atterrir un avion en urgence
Une récente étude relayée dans la presse américaine soulève une question intrigante. Selon cette enquête, un quart des personnes sondées estiment qu’elles seraient capables de ramener un avion à terre en cas de situation critique. Ce chiffre témoigne d’une confiance parfois démesurée face à la complexité réelle de cette manœuvre.
Les résultats diffèrent notablement selon le genre. Plus précisément, 36 % des hommes interrogés pensent qu’ils pourraient gérer un atterrissage d’urgence si le pilote venait à faire défaut. Chez les hommes de moins de 55 ans, cette proportion grimpe à 40 %. En revanche, l’analyse montre que seulement 16 % des femmes estiment qu’elles seraient capables d’un tel exploit, et ce chiffre monte à 23 % chez celles âgées de moins de 55 ans. Ces différences soulignent l’écart de perception des compétences en fonction du genre, avec une confiance plus grande chez les hommes.
Une étude menée par YouGov en 2023, auprès de plus de 20 000 adultes américains, fait état de résultats similaires. Elle révèle que 32 % des répondants déclarent être « très ou assez confiants » dans leur capacité à faire atterrir un avion de ligne en toute sécurité lors d’une urgence, en se limitant à l’assistance fournie par le contrôle aérien. Comme dans la précédente enquête, les hommes apparaissent largement plus convaincus de leur potentiel que les femmes : près de la moitié d’entre eux, soit 46 %, pensent pouvoir réussir, contre seulement 20 % des femmes.
Le biais d’excès de confiance selon l’effet Dunning-Kruger
Pourquoi autant de personnes croient-elles en leur aptitude à poser un avion en urgence, alors que cette tâche est reconnue comme étant particulièrement difficile, surtout pour les non-professionnels ? La réponse réside dans un phénomène psychologique connu sous le nom d’effet Dunning-Kruger. Une étude approfondie réalisée par The Conversation illustre cette idée, accessible à travers un lien explicatif. Ces travaux montrent que la majorité des gens surestiment leurs capacités dans des domaines où leur connaissance reste limitée.
Le pilote expérimenté Patrick Smith résume la situation dans une interview au Washington Post en déclarant : « Il n’y a pratiquement aucune chance que quelqu’un puisse y parvenir seul. Les gens ne croient-ils pas qu’ils pourraient réaliser une opération de transplantation ? Non. Alors pourquoi pensent-ils qu’ils peuvent faire atterrir un avion ? » Cette assertion met en évidence la différence entre la perception et la réalité, un écart que la psychologie qualifie d’effet Dunning-Kruger, du nom des deux chercheurs américains, David Dunning et Justin Kruger, qui l’ont théorisé dans les années 1990. Le concept définit un biais cognitif où les moins compétents s’estiment souvent les plus capables, alors que ceux qui maîtrisent un domaine ont tendance à sous-estimer leurs compétences.
Ce décalage s’explique par le fait que plus un individu possède peu de connaissances dans un domaine, moins il perçoit la complexité de la tâche. À l’inverse, ceux qui ont acquis une certaine expertise en connaissent la difficulté, ce qui peut leur donner une vision plus prudente de leurs capacités.
Dans le contexte du pilotage d’un avion en situation d’urgence, cette croyance en une compétence facile d’accès demeure une illusion, renforcée par une méconnaissance de la difficulté réelle de la manœuvre. La maîtrise de telles opérations exige un savoir-faire précis, une expérience concrète et une formation poussée, que la majorité ne possède pas. Pourtant, l’arrogance de certains face à cette réalité dépasse souvent la prudence et l’humilité nécessaires pour une telle intervention.
[Une image illustrant un avion dans une situation d’urgence, accompagnée d’une légende « Photo Adobe Stock »]
En somme, ces études mettent en lumière le décalage frappant entre la confiance exagérée que beaucoup accordent à leurs compétences et la complexité véritable des interventions d’urgence, tels que l’atterrissage d’un avion sans pilote. La psychologie explique cette désaffection vis-à-vis de la réalité par un biais cognitif qui touche aussi bien les non-initiés que les experts, mais qui se manifeste surtout chez ceux qui manquent de connaissances. Il en résulte une logique d’autosatisfaction souvent déconnectée de l’expertise réelle, illustrant une tendance générale à surestimer ses aptitudes face à des tâches complexes.