Pourquoi les jeunes filles tentent-elles davantage de se suicider ?

Sophie Lambert

Évolution des conduites suicidaires en France en 2023 : un constat préoccupant

En 2023, le nombre de passages aux urgences pour des gestes suicidaires en France s’élève à 74 039, selon le dernier rapport de Santé publique France sur la surveillance annuelle des comportements suicidaires, hors régions de Corse et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ce chiffre témoigne d’une dynamique préoccupante face à la santé mentale de la population. La majorité de ces cas – plus de deux tiers – concernent des femmes, représentant 66,2 % des passages. Parmi elles, les jeunes femmes sont particulièrement touchées, notamment dans les tranches d’âge comprises entre 18 et 44 ans, où les taux sont les plus élevés, avec respectivement 23,7 % pour les 25-44 ans et 22,4 % pour les 18-24 ans.

Une part importante des jeunes filles en adolescence, âgées de 11 à 17 ans, représente aussi une proportion notable de ces passages d’urgence. Elles constituent 21 % des cas, un pourcentage nettement supérieur à celui observé chez les garçons du même âge, qui n’atteignent que 7 %. Chez les hommes, les catégories d’âge les plus vulnérables à ces comportements sont les 25-44 ans, avec 36,8 %, puis les 45-64 ans, avec 26,9 %. Ces chiffres illustrent une disparité significative selon le sexe et l’âge, mettant en lumière des populations particulièrement fragilisées.

Une hausse notable des hospitalisations chez les jeunes filles depuis la pandémie de Covid-19

Le nombre d’hospitalisations liées à des gestes auto-infligés, qu’il s’agisse de tentatives de suicide ou d’automutilations, connaît une tendance à la hausse. En 2023, on dénombre 91 162 hospitalisations pour ce type de comportement, soit une augmentation de 2,9 % par rapport à l’année précédente. Cette hausse est particulièrement marquée chez les femmes. La différence est flagrante si l’on en croit les données de Santé publique France, qui indiquent que le taux d’hospitalisation chez les femmes a connu une progression notable : en 2019, il était de 153 hospitalisations pour 100 000 femmes, tandis qu’il s’élève désormais à 168 pour la même population, soit une hausse de 10 %. Chez les hommes, en revanche, on observe une tendance à la baisse, avec un taux passé de 105 à 97 hospitalisations pour 100 000 hommes, soit une diminution de 8 %.

Ce changement alarmant depuis la crise sanitaire renforce la nécessité d’une vigilance accrue, en particulier envers la santé mentale des jeunes femmes. La montée en flèche des hospitalisations traduit une dégradation des manifestations de détresse psychologique dans cette population, nécessitant des réponses adaptées en prévention et en soins.

Des disparités dans la répartition selon le genre et l’âge

Les données relatives aux décès par suicide montrent que près de 75 % des personnes décédées par cette cause sont des hommes. En outre, les régions de Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Corse, en raison d’un dysfonctionnement technique du logiciel utilisé dans leurs services d’urgences, ont vu leur nombre de cas sous-estimé. Par conséquent, les chiffres nationaux doivent être interprétés avec prudence. Cependant, il demeure évident que la majorité des décès liés au suicide concernent la population masculine, en particulier les hommes âgés de 65 ans et plus.

Il est aussi à noter que, dans toutes les régions françaises, les tentatives de suicide ou les automutilations concernent majoritairement les jeunes filles et jeunes femmes de 11 à 24 ans, représentant en moyenne 65 % des cas. Parmi cette tranche d’âge, ce phénomène atteint un niveau alarmant chez les 15-17 ans, avec un taux le plus élevé toutes catégories confondues, de 737,1 hospitalisations pour 100 000 jeunes filles. Les 11-14 ans présentent également un taux élevé, de 423 pour 100 000. Ces chiffres, qui augmentent régulièrement depuis plusieurs années, soulignent la vulnérabilité grandissante des adolescentes face aux troubles psychiques.

Après une diminution observable en 2020, la tendance à la hausse s’est maintenue dans la période récente, notamment pour les jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans. Bien que la progression soit moins prononcée chez les plus jeunes (11 à 17 ans), la stabilité globale montre que cette problématique touche toujours de façon marquée cette population. Chez les garçons adultes, en revanche, l’absence de hausse significative depuis 2019 montre une répartition différente ; leurs taux d’hospitalisation restent relativement stables ou en diminution.

Les statistiques montrent que, en 2023, la majorité des décès par suicide sont attribués aux hommes, avec une prédominance chez ceux de 65 ans et plus, ce qui témoigne d’un profil de vulnérabilité distinct. Toujours selon Santé publique France, ces données confirment à quel point le phénomène est complexe et nécessite une approche différenciée pour chaque groupe d’âge et de genre.

Enfin, il est essentiel de souligner que, face à ces enjeux, toute personne en détresse ou souffrant de pensées suicidaires peut se tourner vers le numéro d’aide national pour la prévention du suicide, le 3114, afin d’obtenir soutien et accompagnement.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.