Pourquoi le tabac augmente considérablement le risque de diabète lors de la Journée mondiale sans tabac

Sophie Lambert

L’impact du tabac sur la santé : une menace particulière pour les diabétiques

Le tabagisme demeure une menace sérieuse pour la santé de toute la population, mais ses effets sont encore plus dévastateurs chez les personnes atteintes de diabète. Pourtant, cette réalité est souvent ignorée ou sous-estimée tant par les patients que par les soignants. À l’approche de la Journée mondiale sans tabac, la Fédération française des diabétiques a voulu attirer l’attention sur cette problématique lors d’une conférence de presse, soulignant le rôle néfaste d’un véritable cocktail toxique associé au tabac dans la aggravation du diabète.

Selon le médecin endocrinologue Bruno Vergès, expert en maladies métaboliques au sein du centre hospitalier universitaire de Dijon, la prise en charge des patients fumeurs reste insatisfaisante lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet du tabac. Il déplore que cette problématique ne soit que peu évoquée dans le suivi médical, alors qu’il serait impératif pour les professionnels de santé d’en discuter à plusieurs reprises avec leurs patients. La nécessité est claire : leur faire prendre conscience des risques encourus et leur fournir des informations essentielles pour leur santé.

Les effets du tabac en tant que facteur diabétogène

La première information capitale à connaître est que le tabac possède des propriétés diabétogènes. Plusieurs études regroupées dans des méta-analyses indiquent que fumer augmente de 37 à 44 % la probabilité de développer un diabète de type 2, en tenant compte des autres facteurs de risque comme l’âge, l’alimentation ou la génétique. Ce lien est également dépendant de la dose : plus une personne fume, plus son équilibre glycémique se détériore de façon proportionnelle à la quantité de cigarettes consommées, précise le professeur Vincent Durlach, spécialiste en maladies métaboliques et en tabacologie au CHU de Reims. En dehors du diabète, le tabac favorise aussi le prédiabète, un état précèdent susceptible d’évoluer vers un diabète à part entière. Ce risque est d’ailleurs également constaté et prouvé chez les fumeurs passifs.

Comment le tabac aggrave-t-il la situation ? Plusieurs mécanismes sont en jeu. La nicotine présente dans la tabac contribue à la résistance à l’insuline, cette hormone clé permettant aux cellules d’absorber le glucose. En conséquence, le glucose s’accumule dans le sang, provoquant une hyperglycémie, un des symptômes caractéristiques du diabète de type 2. Par ailleurs, le tabac encourage la formation de graisse viscérale, notamment au niveau de l’abdomen, une graisse qui s’entoure des organes internes et perturbe l’équilibre métabolique. À terme, cette accumulation favorise le développement du diabète de type 2. La Fédération française de cardiologie précise que les 47 000 composés chimiques contenus dans la fumée de cigarette — parmi lesquels le plomb, l’arsenic, le mercure ou le cadmium — pourraient aussi jouer un rôle dans la résistance à l’insuline, aggravant ainsi le risque pour ces malades.

Une cause majeure de mortalité chez les diabétiques

Le tabagisme est également la première cause de mortalité chez les personnes atteintes de diabète. Constat alarmant, car lorsque le diabète est installé, continuer à fumer accroît considérablement le risque de développer diverses complications. Bruno Vergès rappelle que le tabac augmente de façon significative le danger de décès pour les diabétiques, que ce soit de façon globale ou en ce qui concerne des pathologies spécifiques. Il est notamment associé à une hausse du risque de mortalité toutes causes confondues de 48 %, ainsi que :

– de 54 % pour l’atteinte du cœur et des vaisseaux coronaires ;
– de 44 % pour les accidents vasculaires cérébraux ;
– de 84 % pour le passage à une insuffisance rénale terminale ;
– de 23 % pour la rétinopathie diabétique, affectant la vue ;
– de 43 % pour la forme proliférative de cette même rétinopathie.

En outre, le tabac est lié à un déséquilibre glycémique chronique, mais aussi à un risque accru de certains cancers, notamment colorectal, pancréatique ou hépatique. Les infections urinaires, cutanées ou respiratoires touchent également davantage ces malades fumeurs. Selon une étude publiée par l’Organisation mondiale de la santé en 2023, une partie importante de ces complications liées au diabète de type 2 provient de l’inhalation de fumée secondaire, autrement dit le tabagisme passif.

Le rôle crucial de l’accompagnement dans le sevrage tabagique

Réduire ou arrêter de fumer chez les personnes diabétiques constitue une étape essentielle pour améliorer leur espérance de vie. Le sevrage tabagique permet de diminuer significativement le risque de mortalité, surtout celui lié aux maladies cardiovasculaires. Bien que l’abandon du tabac puisse momentanément entraîner une prise de poids, les bénéfices à moyen terme surpassent largement cet inconvénient passager. En définitive, la cessation du tabac réduit de façon notable la probabilité de développer de nouvelles complications chez ces patients.

Les spécialistes insistent sur le fait que le traitement du tabagisme chez les diabétiques doit être considéré avec la même détermination que la gestion de leur équilibre glycémique, de leur tension ou de leur cholestérol LDL. La Fédération française des diabétiques recommande une approche pluridisciplinaire, combinant stratégie médicale, soutien psychologique et accompagnement personnalisé pour favoriser la réussite du sevrage. Il est essentiel de prendre en compte le profil psychologique de chaque patient pour élaborer un programme efficace et durable.

Une population encore trop souvent fumeur parmi les diabétiques

Le tabac cause chaque année la mort de 75 000 personnes en France. Les projections indiquent qu’à l’horizon 2030, près de 784 millions de personnes dans le monde seront atteintes de diabète de type 2. En France, plus de 4 millions de malades vivent avec cette maladie. Selon les estimations de l’Assurance maladie, si les tendances actuelles se poursuivent jusqu’en 2027, ce seront environ 520 000 nouveaux cas qui seront recensés, dont la majorité seront des diabètes de type 2, avec une minorité de diètes de type 1. À l’échelle mondiale, près de 21 % des diabétiques de type 2 et une proportion allant de 10 à 39 % selon les régions de diabétiques de type 1 sont des fumeurs. En France, ces chiffres s’établissent respectivement à environ 13,4 % pour le type 2 et 25,3 % pour le type 1.

Ces données illustrent l’urgence à agir pour réduire le tabagisme dans cette population à risque, car la lutte contre le diabète ne pourra progresser efficacement sans une approche globale visant aussi à diminuer la consommation de tabac. La sensibilisation, l’accompagnement et la prévention représentent ainsi des piliers fondamentaux pour protéger ces malades et diminuer la mortalité évitable associée à cette addiction.

En conclusion, le tabac demeure une menace majeure pour la santé des individus, en particulier ceux souffrant de diabète. La prise de conscience collective, la mise en œuvre d’une stratégie d’aide au sevrage et le suivi médical renforcé sont indispensables pour réduire ces risques et améliorer la qualité de vie des patients.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.