Pourquoi la personnalisation des obsèques devient-elle une tendance dans l’argent et la famille ?

Sophie Lambert

Une évolution dans les funérailles : la personnalisation croissante

En 2020, les cérémonies funéraires en hommage à Michou, le célèbre directeur du cabaret transformiste emblématique de Montmartre, ont été marquées par une ambiance joyeuse et colorée, illustrant la façon dont les rites peuvent évoluer pour s’adapter aux attentes modernes. La mise en scène de cette cérémonie comprenait un cercueil et un corbillard teints en bleu, des porteurs eux-mêmes vêtus de cette couleur, ainsi que des arrangements floraux de la même teinte, sans oublier des drapeaux bleus flottant aux fenêtres. Cette désignation d’un couleur emblématique, celle de Michou, a été partagée par plusieurs personnalités telles qu’Alain Juppé, Brigitte Macron ou encore Jean-Luc Reichmann, tous arborant à leur manière ce ton bleu pour rendre hommage à l’artiste. La couleur est devenue un symbole puissant pour honorer la mémoire du disparu, au-delà des conventions traditionnelles.

Les nouveaux rituels en matière d’obsèques

La tendance à la personnalisation des funérailles ne concerne pas uniquement les célébrités ou les figures publiques. Elle est désormais courante dans le monde artistique et au-delà, avec des exemples marquants comme celui de Johnny Hallyday, dont une foule de motards a accompagné le corbillard lors de ses funérailles en 2017, formant un cortège de « bikers » pour saluer sa mémoire. À présent, cette pratique s’étend pour inclure un éventail plus large de modalités, reflétant une volonté plus affirmée de rendre chaque dernier hommage unique et en adéquation avec le vécu du défunt.

Ce phénomène peut également s’expliquer par la disparition progressive des rituels sociaux et religieux strictement codifiés, laissant place à une nouvelle liberté dans l’organisation des funérailles. La société contemporaine, de plus en plus centrée sur l’individualisme, influence également cette évolution, avec la montée de démarches permettant aux familles de personnaliser chaque aspect de la cérémonie. Un facteur clé dans cette avancée est l’essor du contrat d’obsèques, qui couvre aujourd’hui près de 30 % des décès. Ces contrats, souvent sous forme d’assurances, offrent aux souscripteurs la possibilité de planifier leur enterrement de manière précise, en choisissant, par exemple, entre inhumation ou crémation, le lieu de recueillement, mais aussi certains éléments plus précis comme le type de cercueil, la musique diffusée ou encore les textes qui seront lus lors de la cérémonie.

Ce mouvement est renforcé par la popularité grandissante de la crémation, qui concerne désormais 45 % des décès contre seulement 1 % en 1980. La crémation donne lieu à des cérémonies laïques ou religieuses, souvent plus flexibles et ouvertes à l’expression de sentiments personnels ou à des formes d’hommages moins traditionnelles, telles que des montages de photos, des films, des lectures ou des playlists musicales. Ces pratiques innovantes permettent aux familles d’organiser des funérailles qui se réinventent, en dehors des schémas classiques, pour mieux refléter la personnalité du défunt.

Des possibilités infinies pour des cérémonies sur-mesure

En réponse à ces nouvelles attentes, le secteur funéraire se métamorphose pour offrir des services de plus en plus créatifs et adaptés. À La Roche-sur-Yon, une école spécialisée dans la formation funéraire a mis en place un cursus dédié à la personnalisation des obsèques, soulignant que les familles recherchent désormais plus qu’un simple service technique : elles souhaitent vivre une expérience humaine authentique et sur-mesure. L’objectif est d’apprendre aux futurs professionnels à créer des hommages uniques, à aménager des lieux de recueillement en harmonie avec la vie du défunt, ou à proposer des objets ou des services qui apportent un vrai soutien dans la traversée du deuil et la préservation d’un souvenir précieux.

Les entreprises du secteur rivalisent d’idées pour rendre ces derniers instants plus personnels. Certaines proposent aux familles de réaliser elles-mêmes une plaque commémorative à déposer sur la tombe, renforçant ainsi le lien affectif avec le lieu de mémoire. Les marbreries, autrefois limitées à la fabrication de monuments classiques, travaillent désormais avec des designers ou des artistes pour créer des tombes originales et souvent entièrement personnalisées, allant jusqu’au sur-mesure. Des entrepreneurs, notamment dans le Bas-Rhin, ont innové en concevant des corbillards spécifiques, comme un poids lourd adapté aux funérailles de conducteurs routiers ou encore un side-car restauré pour rendre hommage aux motards, illustrant une tendance à faire des funérailles qui racontent une histoire particulière.

Les choix en matière de cercueils et d’urnes se sont également étoffés, avec une multitude de décorations, de peintures, ou d’objets personnalisés. La gamme de services proposés s’étend aux textes déclamés, à la musique live, à l’organisation de livres d’or, ou encore à la décoration de la salle de cérémonie selon les souhaits des familles. Tout peut désormais être adapté pour que chaque cérémonie funéraire soit en accord avec l’identité du défunt comme avec les désirs de ses proches.

Organiser une veillée funéraire chez soi : une option envisageable

Les rites funéraires traditionnels imposent généralement des lieux spécifiques — une église pour les confessions catholiques ou orthodoxes, un cimetière pour les religions monothéistes comme l’islam ou le judaïsme. Toutefois, lorsque les volontés du défunt le permettent, il n’est pas nécessaire que la cérémonie se déroule dans ces espaces publics ou institutionnels. Tout endroit privé, non accessible au public, peut accueillir une cérémonie funéraire si l’on obtient l’autorisation nécessaire. Par exemple, une famille peut organiser une veillée dans une péniche, un théâtre, un cinéma ou même un restaurant, à condition d’obtenir l’accord préalable des autorités compétentes, souvent la mairie.

De même, l’utilisation d’une salle communale est tout à fait envisageable, en accord avec les services municipaux. La possibilité d’organiser une cérémonie chez soi ou dans son jardin est également ouverte, offrant ainsi une alternative personnalisée très appréciée par ceux qui souhaitent que ses derniers instants soient en accord avec leur mode de vie ou leur environnement familier. En collaborant avec les pompes funèbres, qui doivent préparer et encadrer l’événement, il devient possible de créer un moment unique, profondément personnel, qui célébrera la vie du défunt dans un lieu choisi par la famille elle-même.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.