Les régimes yo-yo pourraient altérer le microbiote et favoriser la boulimie

Sophie Lambert

Les défis de la lutte contre la prise de poids après un régime : un rôle inattendu du microbiote intestinal

Nombreux sont celles et ceux qui ont déjà vécu cette expérience : après avoir suivi un régime draconien, ils constatent généralement que les kilos perdus réapparaissent rapidement, souvent accompagnés de quelques kilos en plus. En Occident, près de la moitié des adultes ont déjà tenté de suivre des régimes hypocaloriques à plusieurs reprises, et beaucoup d’entre eux connaissent cette frustration liée à l’effet yo-yo. Cependant, une nouvelle étude menée par des équipes de l’INRAe, du CNRS ainsi que des universités de Rennes et de Bourgogne met en lumière un mécanisme jusque-là peu exploré : le microbiote intestinal — ces milliards de bactéries habitant nos intestins — pourrait avoir un rôle clé dans ces déséquilibres pondéraux.

Une expérience éclairante…

Pour comprendre précisément le rôle de notre flore intestinale, les chercheurs ont commencé par étudier des souris soumises à des cycles alternant une alimentation normale et un régime riche en graisses et en sucres. Ces expérimentations ont confirmé ce que l’on sait souvent des régimes restrictifs : les animaux ont connu une fluctuation de leur poids de type yo-yo. Mais ils ont également manifesté un comportement atypique, correspondant à une envie excessive de consommer des aliments gras et sucrés, un trait comparable à la boulimie que l’on observe chez certains humains.

La phase suivante de cette étude a été déterminante. Les biologistes ont analysé le microbiote de ces souris et ont constaté qu’il présentait des modifications profondes, témoignant d’un vrai dérèglement. Ensuite, ils ont procédé à une expérience surprenante : ils ont transplanté ce microbiote altéré à des souris saines, qui n’avaient jusqu’alors aucun souci de poids ou de comportement alimentaire. Cette démarche leur a permis d’étudier l’impact direct d’un microbiote modifié sur des sujets en apparence normaux.

Un résultat étonnant…

Le résultat a été saisissant. Les souris initialement en bonne santé, ayant reçu le microbiote déséquilibré, ont immédiatement adopté le même comportement compulsif envers les aliments riches en matières grasses et en sucres. C’est une première dans la recherche sur la relation entre le microbiote et les troubles du comportement alimentaire, car c’est la première fois qu’on observe une transmission directe d’un tel trouble par le biais de ce micro-écosystème intestinal.

Les analyses neurologiques effectuées sur ces souris ont également révélé des modifications dans certaines zones du cerveau. En particulier, celles liées à la sensation de plaisir et à la récompense liée à la nourriture ont montré des changements notables. Ces résultats suggèrent donc que le microbiote pourrait influencer directement la façon dont notre cerveau perçoit la gratification alimentaire, ce qui pourrait expliquer la difficulté à contrôler les comportements compulsifs après un régime.

Ces observations ouvrent des perspectives importantes pour la compréhension des comportements boulimiques ou compulsifs alimentaires, notamment chez les personnes ayant expérimenté plusieurs régimes restrictifs. Elles pourraient aussi expliquer pourquoi il est si complexe de sortir d’un cercle vicieux composé de restrictions et d’envies incontrôlables. Cependant, il reste à verificar si ces mécanismes sont également valables chez l’humain, avant d’en tirer des conclusions définitives.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.