Les députés rejettent un article sur les soins palliatifs évoquant l’aide à mourir

Sophie Lambert

Un sujet sensible qui divise l’assemblée

Le terme « aide à mourir » demeure un sujet délicat pour une partie des députés. Lors de la séance de mercredi soir, ces élus ont préféré rejeter un article visant à renforcer la formation aux soins palliatifs, suite à l’insertion de cette expression dans le titre d’un diplôme. Cette tentative s’inscrivait dans le cadre de l’examen d’un projet de loi sur la fin de vie, qui avait débuté dès le lundi précédent. La polémique porte principalement sur la définition du contenu de cette formation, certains craignant qu’elle ne contribue à une normalisation de pratiques telles que l’euthanasie ou le suicide assisté. L’article en discussion visait explicitement à inscrire dans la loi l’engagement pris par le gouvernement pour 2024 de créer un diplôme spécifique en médecine palliative et en soins d’accompagnement, dans le but de valoriser cette spécialité auprès des professionnels de santé. Cependant, un amendement présenté par le député du groupe présidentiel, Christophe Marion, proposait de modifier la dénomination officielle du diplôme en y intégrant la mention « d’aide à mourir ». Cette initiative, qui a été acceptée par la commission, a suscité de nombreuses tensions dans l’hémicycle, confrontant les positions sur la fin de vie.

« Nous légiférons sur les soins palliatifs, pas l’aide à mourir »

Les opposants au texte sur l’aide à mourir ont vivement critiqué cette démarche, rejetant toute confusion entre les deux sujets. Selon eux, la volonté d’ajouter la notion d’aide à mourir dans le cadre de la formation médicale serait une erreur, et ils ont accusé certains élus d’ainsi faire preuve de confusion intentionnelle pour faire passer un message politique. Ce rejet massif s’est traduit par un vote défavorable : le texte a été rejeté par 80 voix contre 73. La majorité de droite et l’extrême-droite ont majoritairement voté contre ce dispositif, tandis que la gauche s’est montrée plus favorable, bien que les députés du centre aient exprimé des positions diverses. Ce vote symbolise la fracture profonde sur la question, qui reste l’un des sujets sensibles du débat public.

Les confessions religieuses françaises lancent l’alerte

Les représentants des principales confessions religieuses en France ont publié jeudi une tribune dans laquelle ils mettent en garde contre de potentielles « graves dérives » découlant du texte sur l’aide à mourir. Selon eux, cette loi pourrait entraîner un « basculement radical » des principes éthiques, en permettant, sans restriction claire, la pratique du suicide assisté ou de l’euthanasie. Ces responsables évoquent surtout que derrière un discours prétendument empreint de compassion, cette législation bouleverserait en profondeur la fondation même de l’éthique médicale et sociale. Ils dénoncent un texte qui, selon eux, risque de compromettre la sécurité et la moralité de la pratique médicale dans le contexte de soins en fin de vie. Leur appel s’inscrit dans une opposition ferme à cette perspective, craignant qu’elle n’entraîne une dérive institutionnelle et sociale importante.

Les débats parlementaires : une position nuancée

Au début de l’examen de cet article, la députée du Rassemblement National, Angélique Ranc, a rappelé que le texte législatif actuel concerne uniquement la réglementation des soins palliatifs, et non l’aide à mourir. Elle a insisté sur l’importance de cette distinction, précisant que le texte initial a été subdivisé en deux parties distinctes afin de clarifier cette différence. Elle a interrogé la pertinence d’introduire une référence à l’aide à mourir dans ce contexte, s’interrogeant sur l’utilité de cette mention si la seconde loi n’était pas adoptée ultérieurement. Par ailleurs, la députée insoumise Élise Leboucher a souligné que, ne pas former les soignants à l’aide à mourir reviendrait à les laisser sans option dans le cadre d’un éventuel futur législatif. Elle a précisé que l’introduction de cette formation ne contraignait pas les professionnels à pratiquer ces actes, rappelant que leur droit à la clause de conscience restait garanti. Elle a également souligné que fournir une formation sur cette question permettait aux soignants de mieux connaître leurs droits et de prendre une décision éclairée sans obligation de procéder à ces pratiques, en restant dans le cadre du respect de leur éthique professionnelle.

Une réforme en pointillé et des enjeux politiques

Après avoir annoncé en 2022 l’intention de confier une réflexion sur ce sujet à une convention citoyenne, le président Emmanuel Macron a présenté en mars 2024 les grandes lignes d’un projet de loi sur la fin de vie. Cependant, ce dernier a été interrompu en raison de la dissolution anticipée de l’Assemblée nationale, empêchant son adoption définitive. Face aux critiques et aux pressions exercées par certains parlementaires, le Premier ministre François Bayrou a dû faire marche arrière en proposant une nouvelle stratégie : diviser le projet de loi en deux volets distincts, afin de donner plus de liberté aux députés dans leur vote. Cette démarche vise à éviter un rejet total du texte et à permettre une progression par étape sur un sujet aussi sensible, mais elle soulève aussi des questions quant à la cohérence globale de la réforme. La complexité de cette démarche montre combien la dimension politique influe fortement sur la façon dont la question de la fin de vie est abordée au Parlement.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.