Les risques liés à la glorification de l’anorexie et de la maigreur sur les réseaux sociaux
Une récente tendance alimentée par les réseaux sociaux
Contrairement à l’époque où des forums spécialisés comme ceux dédiés à l’anorexie ou à la boulimie, apparus au début des années 2000 sur des plateformes telles que Tumblr, Skyblog ou Pinterest, véhiculaient des messages encourageant ces troubles, une nouvelle façon de diffuser ces idées semble avoir émergé sur les médias sociaux contemporains. Aujourd’hui, ce discours s’étend principalement via TikTok, où sous le hashtag #SkinnyTok, des propos qui valorisent la maigreur et la privation alimentaire ne sont pas rares. Ces messages, initialement centrés sur la promotion de la minceur et proposant des conseils pour mieux s’alimenter, ont récemment évolué vers une incitation à la restriction, à la maigreur extrême, tout en véhiculant des propos grossophobes et culpabilisants. La rapidité de cette diffusion, combinée à la puissance algorithmique du réseau social chinois, risque de faire des dégâts considérables chez les jeunes utilisateurs, en leur proposant des modèles corporels irréalistes et dangereux. La crainte principale porte sur des comportements alimentaires restrictifs qui peuvent gravement nuire à la santé physique comme mentale.
Une glorification de la souffrance et du contrôle corporel
Selon la Fédération française anorexie et boulimie (FFAB), la consommation de ces contenus peut agir comme un catalyseur de comportements pathologiques tels que les restrictions alimentaires sévères ou l’aggravation de troubles existants. En ligne, on voit souvent des vidéos vantant des régimes restrictifs consistant à consommer moins de 1000 kcal par jour, voire moins, ou à éliminer des catégories entières d’aliments, tout en invitant à une activité physique excessive. Ces recommandations peuvent mettre en danger la vie des individus qui y sont exposés, en faisant même la promotion de la douleur, de la sensation de faim et d’un contrôle extrême du corps. De plus, les images qui montrent des corps idéalisés ou qui font miroiter des corps dont la ressemblance serait l’objectif à atteindre sont souvent irréalistes et dangereuses, car atteindre ces normes est quasiment impossible sans risquer sa santé. La FFAB souligne que cette exposition constante à ces modèles peut entraîner une insatisfaction corporelle importante, un facteur clé dans la genèse des troubles du comportement alimentaire, notamment l’anorexie mentale, la boulimie ou encore l’hyperphagie boulimique.
Les spécialistes craignent également un phénomène de « contagion » psychologique où la répétition de ces images et discours pourrait favoriser une imitation des comportements dangereux. La diffusion non encadrée, voire sensationnaliste, de ces contenus peut renforcer la vulnérabilité des jeunes face à ces dérives. La répétition de telles images et la sensibilisation à la maigreur comme idéal esthétique pourraient, selon eux, contribuer à un phénomène mimétique similaire à celui observé dans d’autres comportements à risque, notamment pendant la crise sanitaire où des comportements mimétiques liés à des idéaux de maigreur ont été constatés.
Les effets délétères de la dénutrition sur la santé
Les conséquences de la dénutrition owing à ces comportements peuvent être graves, tant sur le plan physique que mental. Parmi les complications physiques, on retrouve notamment des troubles électrolytiques, en particulier hypokaliémie, qui correspond à une baisse anormale du potassium dans le corps. Des anomalies cardiaques peuvent également survenir, avec un risque accru de troubles rythmique pouvant mettre la vie en péril. La dénutrition provoque aussi une perte osseuse prématurée, favorisant l’apparition précoce de l’ostéoporose, ainsi qu’un dysfonctionnement hormonal généralisé. Sur le plan général, la fatigue intense, la chute de cheveux, le retard de croissance chez les jeunes et les adolescents sont autant de symptômes alarmants liés à une alimentation déséquilibrée et insuffisante. La dégradation de l’image de soi devenant chronique, l’anxiété, la dépression et même les conduites suicidaires constituent d’autres conséquences graves de ces troubles.
La FFAB alerte également sur une augmentation récente, surtout depuis la pandémie de Covid-19, des cas de troubles du comportement alimentaire chez les jeunes, en particulier chez ceux en âge prépubère. Les demandes de prise en charge dans les centres spécialisés ont été multipliées par trois à partir de 2021, avec une apparition de troubles dès l’âge de 10 à 12 ans. La fatigue mentale et physique ainsi que le mal-être croissant mettent en évidence la nécessité d’une action prioritaire pour la prévention, la détection précoce et la prise en charge adaptée de ces troubles.
Une nécessité d’action pour protéger la jeunesse
Les études menées à l’étranger confirment que l’exposition prolongée à des contenus pro-anorexie sur les réseaux sociaux peut avoir un impact immédiat sur l’image corporelle des jeunes femmes, en particulier celles âgées de 18 à 28 ans. Ces contenus alimentent des croyances dysfonctionnelles qui peuvent favoriser le développement de comportements alimentaires problématiques. La FFAB insiste donc sur la nécessité de réglementer plus strictement l’utilisation des réseaux sociaux, en particulier pour les mineurs, en renforçant l’éducation dès le plus jeune âge sur la consommation numérique, mais aussi sur la prévention en matière de troubles du comportement alimentaire. Il s’agit aussi d’élargir la stratégie de prévention pour toucher aux facteurs de vulnérabilité communs aux troubles psychiques, tels que la difficulté à réguler ses émotions, les traumatismes ou encore l’isolement social. La mise en place d’une politique proactive, intégrant la prévention en santé mentale, est considérée comme essentielle pour limiter l’impact de ces images et discours toxiques.
Par ailleurs, la ministre déléguée chargée du numérique a récemment annoncé avoir saisi les autorités compétentes pour encadrer ce phénomène, soulignant l’urgence de mesures concrètes face à cette problématique grandissante.
Il est important de rappeler que les principaux troubles liés aux conduites alimentaires touchent surtout les jeunes femmes, avec une fréquence pouvant atteindre 1,5 % pour l’anorexie ou la boulimie, généralement en début d’adolescence ou au début de la vingtaine. La boulimie, elle, affecte environ 1,5 % des 11-20 ans, tandis que l’hyperphagie boulimique, qui concerne aussi bien les hommes que les femmes, apparaît souvent à l’âge adulte. Pour toute personne en souffrance ou désirant s’informer, une ligne d’écoute est disponible : elle opère en semaine, en fin d’après-midi, pour accompagner celles et ceux qui cherchent un soutien ou des conseils professionnels.