Les bienfaits de la sieste au travail pour la santé

Sophie Lambert

La pratique de la sieste au travail : une évolution culturelle et médicale

Les perceptions culturelles et sociales de la sieste en entreprise

Selon les différentes cultures à travers le monde, la perception de faire une pause pour dormir durant la journée varie grandement. En Chine, par exemple, le concept de shui wu jiao, ou repos au milieu de la journée, constitue une partie essentielle du rythme quotidien, et cette pratique est couramment acceptée même dans le cadre professionnel. Au Japon, l’inemuri, une attitude consistant à rester éveillé tout en dormant, est non seulement tolérée, mais souvent considérée comme un signe d’engagement sérieux envers le travail. En Espagne, la sieste occupe une place centrale dans l’identité culturelle, même si, dans le contexte urbain moderne, cette habitude tend à se faire plus discrète ou à disparaître peu à peu.
En contraste avec ces pratiques acceptées, dans plusieurs autres pays, la sieste peut encore être perçue comme un signe de paresse ou d’un manque de sérieux, que ce soit par les collègues ou par la hiérarchie. En France, on constate toutefois que cette vision évolue peu à peu. La culture du travail commence à délaisser ce tabou, rendant la pratique plus acceptable, voire encouragée dans certains secteurs.

Une majorité de Français favorable à la sieste en milieu professionnel

D’après un sondage réalisé par l’agence d’intérim Adecco, près de 70 % des Français seraient en faveur d’intégrer une courte pause pour dormir durant leur journée de travail, à condition que cette pratique ne compromette pas leur emploi du temps et leur retour à la maison.
Actuellement, seulement quelques grandes entreprises ont aménagé des espaces spécifiques à la sieste. Pourtant, la majorité des employés estime qu’ils en auraient grandement besoin. En effet, plus de la moitié d’entre eux déclarent que des troubles du sommeil affectent au moins une partie de leur activité professionnelle. La médecine du travail confirme cette tendance, indiquant que de 20 à 40 % des salariés souffrent de troubles liés au sommeil, en particulier de somnolence diurne, qui diminue considérablement leur vigilance et leur efficacité au travail. Cette fatigue accrue complique la gestion du temps, nuit aux relations professionnelles et diminue la qualité du travail dans une proportion aussi importante que deux fois plus que la normale, selon l’enquête menée par l’Institut national du sommeil et de la vigilance.
Les conséquences de ces troubles ne se limitent pas à la performance ; elles ont également un impact sur la santé, en particulier sur l’énergie, la motivation et la capacité de concentration. Parmi les personnes interrogées, 45 % ressentent une baisse d’énergie, et près de 30 % remarquent une diminution de leur capacité à éviter les erreurs.

La micro-sieste : une solution efficace pour raviver la vigilance

En semaine, la durée de sommeil moyenne des Français s’élève à environ 7 heures, avec une augmentation à près de 7 heures et 38 minutes durant le week-end. Malgré cela, environ 25 % d’entre eux dorment moins de six heures, ce qui est considéré comme insuffisant pour une bonne récupération. Ces chiffres révèlent que les besoins réels en sommeil ne sont pas toujours satisfaits, même si peu de personnes déclarent ressentir une forte somnolence. Cependant, parmi la population, plus d’un quart souffre effectivement de somnolence, dont 7 % de façon sévère.
Le professeur Pierre Philip, chef du service universitaire de médecine du sommeil au CHU de Bordeaux, souligne que plus de 20 % des Français souffrent d’insomnie, tandis que 10 % souffrent d’apnées du sommeil, rendant leur sommeil nocturne souvent pauvre en qualité. La conséquence la plus courante est une somnolence diurne excessive, qui impacte la vigilance et la performance tout au long de la journée.
Face à cette réalité, la question de faire une sieste dans le cadre professionnel devient plus pertinente que jamais. Outre le traitement médical pour les troubles du sommeil comme l’apnée, l’insomnie ou encore le syndrome des jambes sans repos, les micro-siestes, même brèves de 10 à 20 minutes, offrent de nombreux bienfaits. Elles peuvent réduire la somnolence, renforcer la vigilance, améliorer la mémoire, optimiser les performances et augmenter la productivité.
De plus, plusieurs études suggèrent que ces pauses peuvent même diminuer le risque d’accidents du travail. Sur un plan cardiovasculaire, des données présentées lors du congrès américain de cardiologie en 2019 indiquent qu’une sieste pourrait contribuer à réduire la pression artérielle, notamment chez les personnes hypertendues bien contrôlées. En moyenne, une sieste peut diminuer la pression systolique de l’ordre de 5,3 mm Hg sur 24 heures, un chiffre qui, même s’il paraît modeste, pourrait faire diminuer de 10 % le risque d’infarctus.

Les différents types de siestes et leur adaptation selon le contexte

Le recours à la sieste peut prendre diverses formes, adaptées à la situation et au moment de la journée. La plus connue est la sieste classique, d’une durée comprise entre 15 et 20 minutes, qui correspond à une phase de sommeil lent léger sans provoquer de sensation de fatigue à la sortie. Si l’endormissement prend plus de 20 minutes, cela indique généralement que ce n’est pas le moment idéal ou que la sieste n’est pas nécessaire. La période de la journée la plus propice à une courte sieste est entre 13 heures et 15 heures, lorsque la vigilance tend naturellement à baisser. Il est en revanche préférable d’éviter de dormir après 16 heures, car cela pourrait nuire au sommeil nocturne en perturbant le cycle naturel.

Un autre type de pause, plus courte, est la micro-sieste, ou « sleep flash », qui ne dure pas plus de cinq minutes et ne nécessite pas un sommeil profond. Elle constitue simplement une pause de l’esprit, facilement réalisable dans un transport ou un bureau. Malgré sa brièveté, cette micro- pause est efficace pour relancer la concentration, la mémoire et la vigilance.

Prendre soin de soi : la micro-sieste selon les conseils d’un expert

Caroline Rome, sophrologue, en collaboration avec l’Institut du sommeil et de la vigilance, explique en détail comment pratiquer cette micro-sieste. Elle recommande une position assise, avec le dos bien calé contre le dossier de la chaise, les pieds à plat sur le sol, les mains reposant sur les cuisses, et les épaules détendues. Fermer les yeux permet de calmer le mental, et une respiration lente accompagne la détente musculaire. Lors de cette période, il est conseillé de visualiser un souvenir agréable ou apaisant pour faciliter la relaxation. Le réveil doit être en douceur, par une inspiration profonde, suivie d’étirements des chevilles, des poignets et de la nuque, puis par un massage du visage. La réactivation de l’énergie s’opère généralement par une sortie progressive, éventuellement accompagnée d’une courte marche à l’extérieur.

Il est important de rappeler que la loi française prévoit une pause de 20 minutes après six heures de travail, consacrée à la détente ou à la sieste, sans qu’elle ne constitue une faute, à condition qu’elle ne compromette pas la sécurité ou les obligations professionnelles. Bien que l’employeur ne soit pas obligatoirement tenu d’aménager un espace spécifique conforme aux normes d’hygiène ou de sécurité, la reconnaissance de la sieste comme pratique bénéfique tend à faire évoluer cette obligation dans certains secteurs.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.