Le matcha, la poudre de thé vert à la mode, risque bientôt de manquer en stock

Sophie Lambert

Le matcha : l’engouement planétaire pour la poudre de thé vert japonais

Depuis plusieurs années, le matcha s’est imposé comme la boisson tendance incontournable dans le monde entier. Apprécié non seulement dans les cafés spécialisés mais aussi sur les réseaux sociaux, il est devenu emblématique de la routine bien-être moderne. Cette poudre fine, issue du thé vert japonais, se décline désormais sous de multiples formes : en breuvage classique, en pâtisserie, en confiserie, et même dans l’univers des cosmétiques, où sa couleur vibrante est mise en valeur. Son ascension fulgurante a transformé le matcha en un véritable phénomène de mode, auquel beaucoup s’intéressent pour ses qualités gustatives et ses vertus supposées pour la santé.

Le succès mondial du matcha, une réalité marquée par ses limites

Grâce à la viralité sur les plateformes sociales et aux influenceurs qui en ont fait leur allié dans la quête du bien-être, le matcha a rapidement été catégorisé comme un produit indispensable. Son goût, souvent perçu comme amer, peut diviser, mais sa couleur éclatante en fait un ingrédient à forte valeur esthétique. Sur le plan nutritionnel, il est reconnu pour sa richesse en antioxydants et autres composés bénéfiques, qui aident à stimuler le système immunitaire, renforcent le corps et améliorent la concentration mentale sans provoquer de nervosité ou d’excitation excessive, contrairement au café. Néanmoins, cette popularité fracassante n’est pas sans conséquences pour ses producteurs historiques.

Ce regain d’intérêt a conduit à une explosion de la demande mondiale, ce qui met en difficulté la production japonaise traditionnelle, spécialisée dans ce produit de cérémonie. Autrefois réservé à des usages très codifiés lors de la cérémonie du thé au Japon, le matcha s’est rapidement démocratisé à l’échelle mondiale. Les consommateurs en Amérique du Nord, en Europe, mais aussi en Chine, se sont mis à en vouloir en masse. Selon les chiffres du ministère japonais de l’Agriculture, la consommation mondiale de matcha a presque triplé depuis 2010, passant de 1 471 tonnes à 4 176 tonnes en 2023. La part de marché française représentait environ 2,8 % en 2024, témoignant de l’ampleur du phénomène.

Cependant, cette popularité accrue a aussi entraîné quelques désagréments : depuis quelques mois, les consommateurs constatent des ruptures de stock plus fréquentes et une hausse significative des prix. Plusieurs facteurs, liés à la fois à la demande et aux contraintes de production, expliquent cette situation complexe.

Une fabrication rigoureuse et un défi pour les producteurs

Contrairement à d’autres types de thé, la culture et la fabrication du matcha requièrent une attention particulière, du fait de sa nature fragile et de son processus long. Les théiers de la variété camellia sinensis, dont proviennent les feuilles utilisées pour le matcha, ont besoin d’environ quatre années pour atteindre leur maturité. La récolte initiale, qui livre des feuilles particulièrement tendres, est le fruit d’un travail minutieux où les plantations sont ombragées pendant plusieurs semaines avant la cueillette, afin d’intensifier la qualité du produit. Après la récolte, souvent réalisée à la main, les feuilles sont finement moulues avec une extrême patience dans un processus lent et précis qui garantit un rendu de grande finesse.

Toutefois, la production du matcha est aujourd’hui menacée par un climat qui devient de plus en plus imprévisible. Les épisodes de chaleur extrême et les typhons précoces causent des dégâts importants aux plantations, ce qui complique la pérennité de l’approvisionnement. La fabrication exigeante, combinée à ces conditions climatiques défavorables, accentue la vulnérabilité de cette filière.

Un autre défi majeur est la pénurie de main-d’œuvre. Les exploitations familiales peinent à attirer des jeunes, la main-d’œuvre locale étant vieillissante. Certaines plantations sont aujourd’hui abandonnées faute de repreneurs. La demande croissante a également conduit à une industrialisation du marché, avec des investissements par des multinationales, ce qui exerce une pression supplémentaire sur des petites exploitations traditionnellement rurales. Pour faire face à la concurrence internationale, d’autres pays comme la Chine ou la Corée du Sud ont tenté de produire leur propre version de matcha. Cependant, leurs produits ne parviennent pas encore à reproduire la saveur authentique du Japon, ce qui oblige les consommateurs à modérer leur consommation pour préserver cette tradition vivante.

En somme, le matcha demeure un produit d’exception, à la fois victime de ses succès et de la vulnérabilité de sa filière, tout en conservant une place centrale dans la culture nipponne et dans la tendance mondiale.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.