Le frère de Mehdi Kessaci refuse de garder le silence sur son assassinat.

Sophie Lambert

Ce mercredi, dans une lettre publiée dans le journal Le Monde, Amine Kessaci, frère de Mehdi, qui a été tué jeudi à Marseille par deux hommes circulant à scooter, a affirmé : « Je ne renoncerai pas à parler ». Il a aussi insisté sur le fait que « mon frère Mehdi est mort sans raison », dénonçant la violence exercée par les trafiquants de drogue. Le jeune militant écologique, âgé de 22 ans et actif dans le combat contre le narcobanditisme, a souligné à nouveau sa détermination à dénoncer cette violence.



Originaire des quartiers Nord, ce jeune militant écologiste engagé dans la lutte contre le trafic de drogue n’avait pas pris la parole depuis la tragédie ayant coûté la vie à son frère cadet de 20 ans, tué par deux hommes à scooter sur un parking lors d’un après-midi ensoleillé, jeudi dernier. Lors des funérailles qui se sont tenues mardi à la mosquée ainsi qu’au cimetière, la scène a été fortement sécurisée par un dispositif policier renforcé, et Amine Kessaci, qui était menacé depuis plusieurs mois, portait un gilet pare-balles, selon un témoin. Dans sa tribune pour Le Monde, il commence par déclarer : « Hier, j’ai enterré mon frère ». Son cœur est profondément meurtri, écrit-il, mais il garde néanmoins sa lucidité au milieu de sa douleur, affirmant que cette dernière ne doit pas faire oublier l’ampleur du problème.

Selon Amine Kessaci, le combat que mènent les trafiquants consiste à éliminer toute forme de résistance, à briser la volonté des individus, et à supprimer dès ses prémices toute révolte qui pourrait challenger leur domination. Il insiste sur la nécessité pour l’État de prendre conscience de l’ampleur de cette guerre et de comprendre qu’un combat à mort est en cours, appelant à une reconnaissance des failles et des zones abandonnées par la République. Il dénonce également la violence systémique et la faiblesse des mesures pour contenir la délinquance organisée.




Amine Kessaci en juillet 2024, alors candidat de la coalition de gauche du Nouveau Front Populaire (NFP) pour les elections legislatives. Photo Sipa/Alain Robert

Amine Kessaci en juillet 2024, candidat de la coalition de gauche du Nouveau Front Populaire (NFP) pour les élections législatives. Photo Sipa/Alain Robert

Mehdi, le deuxième membre de la famille porté disparu :

« Ce n’est pas une simple attaque ; c’est un acte politique, une lâcheté, visant un innocent qui, lui, n’avait aucun lien avec le trafic de drogue », a déclaré Amine Kessaci lors d’un passage sur France 2. Il a aussi précisé ressentir aujourd’hui un sentiment de culpabilité plus que de peur, en observant l’état actuel de la situation.



En réponse à la violence, l’association qu’Amine Kessaci a créée, appelée Conscience, a proposé de « marcher en silence » en soutien à la famille de Mehdi ce samedi à 15 heures, à l’endroit précis où ce dernier a été tué. La campagne vise à faire entendre la voix des citoyens face à l’insécurité, en espérant que « plus on sera nombreux à porter cette cause, moins la peur dominera notre société ». Il espère que plus de 100 000 personnes participeront à cette marche citoyenne.

En 2020, cette famille de six enfants a déjà été frappée par le décès brutal d’un autre de ses membres, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé calciné dans une voiture. Amine Kessaci précise : « On me parle de crime d’avertissement, mais un crime reste un crime, il ne peut jamais être un message envoyé en signe d’intimidation ». Il a aussi raconté l’enterrement de Mehdi, survenu mardi dernier.



« N’ayez pas peur », affirme le maire de Marseille avant la marche de samedi

Le maire de Marseille, Benoît Payan, a lancé un message de courage ce mercredi en demandant aux habitants de la ville de ne pas céder à la peur face à la mafia du narcobanditisme. Dans un entretien accordé à l’AFP, il a précisé que, malgré la crainte ambiante, il faut continuer à résister. La marche organisée samedi en hommage à Mehdi Kessaci doit permettre de montrer que la population ne se laisse pas intimider. « Je suis conscient que beaucoup de citoyens ont peur, mais je leur dis : “n’ayez pas peur” », a-t-il affirmé. Il a souligné que la lutte contre la criminalité organisée doit continuer, et que la solidarité doit primer pour faire face à ces menaces, en affirmant que la mafia ne doit pas gagner.



Dimanche à Marseille : entre la visite de Nuñez et Darmanin et la mobilisation citoyenne

À une semaine à peine de la tragédie, le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez, ainsi que le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, se rendront à Marseille, conformément à la demande du président Emmanuel Macron. La priorité sera, une fois de plus, la lutte contre le narcotrafic, alors que cette ville est devenue le théâtre d’une intensification de la criminalité. Ce déplacement s’inscrit dans une volonté gouvernementale de renforcer la coordination et la stratégie face à ce phénomène. Le chef de l’État a récemment souligné la nécessité de faire face au trafic de drogue en adoptant une approche similaire à celle utilisée pour lutter contre le terrorisme.

Amine Kessaci raconte dans Le Monde qu’en août dernier, il a été contraint par la police de quitter Marseille, ce qui l’a profondément marqué. Il déplore que la protection policière qui lui avait été offerte n’ait pas été étendue à ses proches. « Qui ignorait que ma famille a déjà payé de leur sang ? Comment ne pas en prendre conscience ? », s’interroge-t-il. Par ailleurs, Benoît Payan, le maire de Marseille, a exprimé dans les radios matinales ce mercredi matin qu’il constate un certain relâchement dans la lutte contre le narcotrafic, même si la situation demeure préoccupante. Il a également insisté sur le fait que les trafiquants cherchent à faire entendre leur message de terreur, mais que l’État doit répondre fermement, affirmant qu’en réponse à la violence, il faut y répondre par plus de fermeté.

Le maire de Marseille a déploré la disparition du préfet de police, qui selon lui, a laissé place à une recrudescence de la violence et des tensions qu’il constate depuis environ six semaines, notamment avec des tirs et des pressions policières marquées. Il a aussi souligné que les trafiquants tentent de faire taire la population et qu’une réponse ferme de la part de l’État est nécessaire. « Lorsque la mafia donnes, il faut répondre par dix fois plus », a-t-il déclaré.

>> Vous pouvez lire la tribune intégrale dans Le Monde.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.