La Défenseure des droits dénonce de nombreux manquements dans le traitement judiciaire des enfants
Selon un rapport publié ce mercredi, la Défenseure des droits met en lumière une série de violations des droits fondamentaux des mineurs tout au long de leur parcours au sein du système judiciaire. Parmi ces défaillances, la pauvreté de moyens alloués, des conditions de vie qualifiées d’« indignes », ainsi qu’un déficit de cadre éducatif structurant sont pointés du doigt. La Défenseure insiste également sur le fait que ces insuffisances concernent toute la chaîne, de l’interpellation à la détention. En ce qui concerne la justice, elle souligne que souvent, cette dernière ne prend pas suffisamment en compte le fait qu’un mineur ou un adolescent ne doit pas être traité comme un adulte. Claire Hédon, la Défenseure des droits, réaffirme avec force que « le principe fondamental du droit des mineurs à bénéficier d’une justice adaptée est évident : un enfant n’est pas un adulte », faisant écho à la position du Défenseur des enfants, Éric Delemar. Les deux autorités indépendantes unissent leur voix dans le rapport annuel pour rappeler que le traitement des mineurs doit respecter leur vulnérabilité et leur âge.
Les enjeux d’une justice éducative face à la délinquance juvénile
Les auteurs du rapport soulignent que, parallèlement à la sanction, la justice spécialisée pour les mineurs a pour missions essentielles d’éduquer, de protéger et de prévenir toute récidive. Cependant, ils craignent que cette approche ne se retourne contre elle-même en renforçant, au contraire, les sentiments d’exclusion, de méfiance, voire en alimentant la délinquance. Ils insistent sur le fait que les dispositifs mis en place pour soutenir les jeunes en difficulté, comme la protection judiciaire de la jeunesse ou l’aide à la protection de l’enfance, souffrent d’un manque crucial de moyens. Cela impacte particulièrement les établissements de détention où les conditions de vie sont souvent décentes, mais où le manque de ressources éducatives pénalise la réinsertion des jeunes. Le rapport indique que l’absence d’un cadre éducatif solide et de programmes de formation adaptés, ainsi qu’un nombre insuffisant d’heures de cours, rendent inadaptée la détention comme outil pour favoriser la réintégration des mineurs en société.
Une vulnérabilité non prise en compte tout au long de la procédure
Les deux défenseurs insistent également sur l’ignorance persistante à propos des droits spécifiques dont disposent les mineurs. Ils dénoncent le manque d’informations dont bénéficient ces jeunes concernant leurs droits, ainsi que le mépris de leur « vulnérabilité particulière » lors de tout leur parcours judiciaire. La situation s’aggrave avec la remise en question récente de l’importance d’un traitement différencié pour les mineurs délinquants. Un changement qui va à l’encontre de ce que prévoit l’ordonnance du 2 février 1945, ainsi que du Code de justice pénale des mineurs (CJPM) de 2021. Ces textes fondamentaux soulignent la nécessité de traiter séparément ces jeunes, en prenant en compte leur âge, leur fragilité psychologique et leur potentiel de réadaptation. La critique de cette remise en cause vient renforcer la nécessité de préserver une justice adaptée aux mineurs, respectueuse de leur développement spécifique.
Une consultation majeure auprès de plus de 1 600 enfants et jeunes
Dans le cadre de leur rapport, la Défenseure des droits a interrogé plus de 80 structures, institutions, associations et professionnels œuvrant dans la protection de l’enfance ou la justice jeunesse. Elle a aussi recueilli la parole de plus de 1 600 enfants et jeunes, âgés de six à vingt-cinq ans, afin d’évaluer leur perception de la justice, leur connaissance de leurs droits, ainsi que leur vécu face aux dispositifs mis en place à leur intention. À partir de cette consultation, l’autorité indépendante formule 25 recommandations pour améliorer la situation. Parmi celles-ci figurent l’inscription dans la loi du principe selon lequel les mineurs de moins de 13 ans ne peuvent être tenus responsables pénalement, la création d’un code spécifique pour l’enfance, ainsi qu’un renforcement des mesures de prévention du décrochage scolaire. Elle insiste aussi sur l’importance de soutenir davantage la parentalité, d’améliorer la qualité et l’effectivité des cours de morale et de civisme, et de garantir des dispositifs éducatifs efficaces au bénéfice des jeunes vulnérables.
Une proposition de loi pour supprimer la prescription dans les affaires de violences sexuelles sur mineurs
Ce mercredi, une nouvelle proposition de loi sera déposée au Sénat afin de faire évoluer la législation en matière de crimes sexuels commis sur des mineurs, notamment en supprimant le délai de prescription. Cette initiative vise à permettre aux victimes de porter plainte à tout moment, sans limitation, pour des viols ou autres agressions sexuelles subies durant l’enfance. Le texte s’inscrit dans la continuité des recommandations formulées par la Commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), créée par le président Emmanuel Macron pour lutter contre la pédocriminalité. La proposition la plus polémique de cette loi consiste à rendre ces infractions imprescriptibles, c’est-à-dire sans délai de prescription, ce qui fait débat parmi les juristes et les associations de victimes. À l’heure actuelle, une victime de viol commis dans l’enfance peut déposer plainte jusqu’à l’âge de 48 ans, mais l’abolition totale de la prescription divise beaucoup, étant donné qu’en droit français, seul le crime contre l’humanité est considéré comme imprescriptible. La sénatrice centriste Annick Billon, porteuse du projet, souligne que le texte entend reconnaître l’inceste comme un crime spécifique. Elle précise que cet acte se produit souvent dans le cadre familial, censé être protecteur, rendant plus difficile la dénonciation, notamment lorsque l’agresseur est un proche familial. La proposition prévoit également d’étendre la définition du viol et des agressions sexuelles incestueuses aux « cousins germains ». Selon la Ciivise, environ 160 000 enfants subiraient chaque année des violences sexuelles ou des viols, témoignant de l’ampleur de ces problématiques.






