La Cour des comptes critique la gestion du Louvre après le cambriolage à Paris

Sophie Lambert

Le rapport de la Cour des comptes met en cause la gestion du Louvre après le vol de bijoux

Trois semaines après l’événement retentissant du vol de précieux joyaux nationaux au musée du Louvre, la Haute juridiction financière a publié un rapport visant directement la gestion de la célèbre institution. Ce document critique sévèrement le musée, l’accusant d’avoir priorisé des opérations de communication et d’attractivité au détriment de la sécurité des collections. Lors de la présentation de ses conclusions, Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes, a souligné que le braquage spectaculaire adressait un signal d’alarme fort : celui d’un retard flagrant dans la modernisation des dispositifs de sécurité du Louvre. Il a déploré que les investissements dédiés à la sécurité n’aient pas suivi le rythme nécessaire pour assurer la protection adéquate des œuvres.

Le 19 octobre dernier, des malfaiteurs ont réussi à pénétrer dans la galerie d’Apollon à bord d’un véhicule industriel, permettant à plusieurs individus d’accéder rapidement aux joyaux précieux de la Couronne et autres pièces impériales. En quelques minutes, ils ont dérobé pour une valeur estimée à 88 millions d’euros, des biens d’une valeur historique inestimable. À ce jour, les objets volés restent introuvables malgré des recherches intensives. Les enquêteurs ont d’ores et déjà mis en examen quatre personnes, dont trois sont soupçonnées d’avoir pris part directement au cambriolage, et elles ont été placées en détention.

Le rapport de la Cour des comptes ne se limite pas à cet événement ponctuel. Il souligne un décalage important entre les ressources mobilisées et l’urgence de la situation. Malgré une fréquentation record de neuf millions de visiteurs en 2024, principalement étrangers à hauteur de 80 %, le musée souffre d’un retard chronique dans ses investissements en matière de sûreté. Les autorités n’ont pas été en mesure, pendant plusieurs années, de déployer l’ensemble des dispositifs de sécurité nécessaires pour garantir la sécurité des œuvres face à une dégradation accélérée des équipements.

Une gestion souvent jugée inefficace en matière de hiérarchisation des projets

Les experts de la Cour des comptes ont pour leur part pointé l’un des grands défauts du management du Louvre : un manque évident de priorisation dans ses investissements. Leur rapport met en lumière la difficulté de l’établissement à faire face à une vague d’exigences de modernisation et de rénovation. Même si le musée dispose de ressources financières importantes, il semblerait que l’absence de priorisation ait empêché la réalisation d’un plan cohérent pour renforcer la sécurité des œuvres. Entre 2018 et 2024, le Louvre a dépensé 26,7 millions d’euros pour la maintenance et la mise aux normes des bâtiments, ainsi que 59,5 millions pour la restauration des parties classées au patrimoine historique. En parallèle, il a engagé 105,4 millions d’euros avec ses fonds propres pour acquérir de nouvelles œuvres d’art, et 63,5 millions pour réaménager ses espaces d’exposition.

Face à cette situation, la direction du musée a réagi en acceptant la majorité des recommandations formulées dans le rapport. Elle a toutefois contesté certains points, notamment concernant l’évaluation de ses efforts en sécurité. Dans une réponse officielle, le Louvre a souligné que le jugement proposé par la Cour ne prenait pas suffisamment en compte l’histoire de ses actions menées sur le long terme. Le gestionnaire insiste sur le fait qu’une analyse équilibrée de la gestion du musée doit tenir compte des enjeux complexes liés à la préservation, à l’accueil des visiteurs et à l’entretien du patrimoine.

De leur côté, les responsables du musée ont également exprimé leur regret que la présentation des données sur le nombre de caméras de surveillance présentes dans le musée ait été trop détaillée dans le rapport, estimant que cela ne contribue pas à une vision globale de la situation. Par ailleurs, la direction critique la précocité avec laquelle la Cour évoque le projet des grands travaux, présenté en janvier par l’Élysée, arguant que le calendrier de ces projets est encore en discussion.

Une estimation du coût des rénovations revu à la hausse

Les estimations de la Cour des comptes sur le coût total des rénovations et modernisations nécessaires pour assurer la sécurité du musée ont été revues à la hausse. La dernière évaluation situe désormais ce montant à 1,15 milliard d’euros, contre une fourchette initiale comprise entre 700 et 800 millions d’euros, estimée en début d’année par l’entourage du président Emmanuel Macron. Ces chiffres font écho aux conclusions de l’enquête administrative confiée à l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). Celle-ci mettait en évidence une sous-estimation systématique du niveau de risque en matière d’intrusions et de vols, ainsi qu’un sous-équipement chronique des dispositifs de sécurité.

Les responsables gouvernementaux, notamment la ministre de la Culture, Rachida Dati, ont publié la semaine dernière les résultats de cette inspection. Ils ont confirmé que le musée avait longtemps sous-estimé les dangers liés à la sécurité, en particulier en matière d’intrusions et de vols. La ministre a également demandé à Laurence des Cars, la directrice du Louvre depuis septembre 2021, de réviser la gouvernance de l’institution. Elle souhaite la mise en place d’une nouvelle Direction de la sûreté et de la sécurité, opérant directement sous la supervision de la présidence du musée. Enfin, un conseil d’administration doit être convoqué en urgence pour statuer sur ces questions cruciales afin d’assurer la sécurité à long terme de l’un des établissements culturels les plus emblématiques de France.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.