L’histoire de Nicola Materazzi : Un ingénieur au service de Ferrari et de l’automobile de course
Origines et passions précoces
Issu d’une famille où le père et le grand-père exercaient la médecine, Nicola Materazzi a toujours été attiré par le monde de l’automobile. Dès son enfance, il témoigne d’un vif engouement pour cette discipline en demandant, à seulement quatre ans, à ses parents de lui lire chaque jour dans le journal les pages consacrées à l’automobile. Cette fascination naissante va guider toute sa carrière, qui sera marquée par des contributions importantes dans le domaine des voitures de course et de luxe.
Une carrière fulgurante chez Lamborghini puis Ferrari
Après avoir débuté son parcours professionnel avec des résultats prometteurs chez Lamborghini, Materazzi participe à la conception de modèles emblématiques comme la Lamborghini Miura et la Countach. Son talent ne passe pas inaperçu, et il est rapidement repéré par Enzo Ferrari, le fondateur de la célèbre marque éponyme. En 1979, il rejoint la division compétition de Ferrari, un lieu où ses compétences doivent s’épanouir pleinement. Il occupe alors le poste d’ingénieur en chef au sein du bureau de conception, en collaboration avec Mauro Forghieri, qui est alors à la tête de la direction technique.
Spécialiste du turbocompresseur, Materazzi va jouer un rôle clé dans le développement de cette technologie chez Ferrari, contribuant à faire progresser la performance et la dynamique des voitures de la marque dans le championnat du monde des rallyes et de la Formule 1.
Une conversation décisive : La rencontre avec Enzo Ferrari
Un soir, alors qu’il travaille dans son bureau, Nicola Materazzi reçoit un coup de téléphone surprenant d’Enzo Ferrari lui-même. Le constructeur lui sollicite pour obtenir des conseils concernant un nouveau moteur destiné à intégrer la gamme de la marque. Enzo lui explique qu’il s’agit d’un moteur de trois litres, doté d’un turbo, et capable de produire environ 330 chevaux, selon ses ingénieurs. Mais Materazzi, sans hésiter, coupe la parole et lui répond qu’un tel moteur devrait plutôt développer 400 chevaux pour être réellement intéressant et compétitif.
Le ton devient alors plus catégorique lorsque Ferrari, un peu surpris, se contente de répondre : « Très bien, alors faites-le vous-même. » Ce détail marque un tournant décisif, car c’est à partir de cette conversation qu’un nouveau département chez Ferrari voit le jour, réservé à la conception de voitures hautes performances. Nicola Materazzi se voit confier une équipe entièrement consacrée à cette mission, faisant de lui un acteur clé dans la recherche de la performance ultime.
Une performance remarquable : la vitesse maximale de la Ferrari
Parmi les exploits techniques de cette période, on peut évoquer la vitesse de pointe atteinte par une Ferrari équipée d’un de ses moteurs développés par Materazzi. Sur une piste d’essai, cette voiture a atteint une vitesse maximale de 324 km/h, un chiffre impressionnant pour l’époque. Ce résultat témoigne de l’efficacité du travail de l’ingénieur et de ses innovations technologiques, notamment dans l’optimisation de la aerodynamique et de la montée en puissance du moteur.
L’épisode de l’humiliation et la quête de la perfection
En 1986, Ferrari traverse une période particulièrement difficile. La maison de Maranello ne parvient plus à s’imposer en Formule 1, et ses modèles de route voient leurs ventes diminuer progressivement. La situation empire encore lorsque Pietro Barilla, un ami d’Enzo Ferrari, lui confie une anecdote : son fils, à seulement 18 ans, a réussi à égaler ou même dépasser les performances d’une Ferrari 308 en utilisant une BMW M3. Ce jeune pilote a même réussi à distancer une Ferrari 308 lors d’une course avec sa nouvelle M3.
Pour Enzo Ferrari, c’est une humiliation sans précédent. Il convoque alors ses ingénieurs pour analyser la situation. Leur rapport est sans appel : la BMW, qui coûte la moitié d’une Ferrari, rivalise désormais avec ses voitures en termes de performances. Le patron de Ferrari, profondément affecté par cette révélation, décide de réagir d’une manière radicale, consciente qu’il doit redresser la barre.
L’ambition de créer la sportive ultime
En parallèle, Nicola Materazzi poursuit ses travaux avec acharnement. Son nouveau moteur, de conception aboutie, développe désormais 400 chevaux. Enzo Ferrari lui demande alors, dans son bureau, non seulement de produire ce nouveau moteur, mais aussi de concevoir une voiture capable de rivaliser avec la meilleure sportive du monde. Ce sera le début du projet 164, destiné initialement à courir en Groupe B, une catégorie où l’affrontement entre voitures de rallye et de piste atteignait des sommets. Malheureusement, la FIA décide quelques mois plus tard d’interdire ces véhicules, jugés trop complexes et dangereux.
Malgré cet obstacle, l’ambition de créer une voiture exceptionnelle ne faiblit pas. Enzo Ferrari, fidèle à son désir de surpasser tout ce qui existe, prend Nicola Materazzi à part pour lui confier une instruction capitale : travailler sur le projet le samedi, sans distraire ses collègues occupés avec d’autres modèles comme la Ferrari 308 Quattrovalvole ou la 328. L’objectif est clair : faire de cette voiture la meilleure de son époque.
Une innovation aérodynamique majeure : le développement du prototype
Chez Pininfarina, on s’efforce d’améliorer la version de la GTO Evoluzione. Cependant, lors d’une visite chez le carrossier, Nicola Materazzi remarque que le prototype n’est pas aérodynamiquement optimisé. Il reprend donc le travail, modifie le véhicule pendant plusieurs semaines, puis le soumet à des tests en soufflerie. Le résultat est spectaculaire : un coefficient de traînée de seulement 0,29. Impressionné, Enzo Ferrari décide d’envoyer un pilote d’essai en secret pour tester cette création. Après plusieurs tours, le verdict est unanime : “Vous ne pouvez pas tuer cette voiture. Je n’ai jamais conduit quelque chose d’aussi efficace.”
Le rêve de réaliser la voiture de sport parfaite
Fidèle à sa volonté de repousser constamment les limites, Enzo Ferrari est désormais convaincu que cette voiture pourra constituer son ultime chef-d’œuvre. Son objectif est de bâtir la meilleure voiture de sport que l’histoire ait connue, prouvant ainsi que la marque Ferrari peut continuer à être à la pointe de la performance. Conscient que son temps sur Terre est compté, il donne une dernière instruction à ses ingénieurs : accélérer le développement, faire vite, car il souhaite voir sortir ce modèle avant la fin de sa vie.
L’explosion médiatique et la victoire de la F40
Au moment où le projet de la nouvelle Ferrari est sur le point d’aboutir, Enzo Ferrari insiste pour que la présentation officielle ait lieu avant ses vacances. La date choisie est le 21 juillet, sur le circuit de Fiorano, en plein cœur de l’usine. La révélation provoque un véritable séisme dans le monde automobile : la F40 est un triomphe unanime. La presse et le public sont bluffés par l’alliance de puissance, d’élégance et d’ingéniosité technique.
Face à ce succès, la production initiale est limitée à 400 exemplaires. Cependant, l’engouement est tel que la demande dépasse largement l’offre : la direction commerciale reçoit rapidement 900 fax de commandes. Pour Nicola Materazzi, cette réussite marque la consécration d’un long travail acharné, mais aussi la fin d’une époque. Après cette révélation, le jour suivant, il prend un peu de repos et rend visite à sa mère. Avant de quitter l’usine, il passe voir Enzo Ferrari, qui lui annonce qu’il prendra la direction technique de la marque à son retour.
Un départ difficile et une fin emblématique
À son retour de congés, Materazzi découvre avec étonnement qu’un autre a été nommé à la tête du service technique. Ce nouvel interlocuteur n’est autre qu’un ingénieur venu tout droit de chez Carraco, un fabricant italien de tracteurs. La déception est grande pour Materazzi, qui décide alors de démissionner immédiatement. Leur relation ne sera jamais rétablie. Quelques mois plus tard, Enzo Ferrari disparaît, laissant derrière lui un héritage inégalé, dont la légende de la Ferrari F40, symbole ultime de l’excellence automobile et de l’esprit d’innovation.