Des salariés veulent amener leur chien au bureau : ils se sentent coupables de le laisser seul

Sophie Lambert

L’intégration des chiens dans notre quotidien : une évolution progressive vers le lieu de travail

La présence canine dans les lieux publics et les espaces professionnels en mutation

Aujourd’hui, nos compagnons à quatre pattes ont trouvé leur place presque partout : dans les parcs, lors des périodes de vacances, ou encore dans les établissements pour personnes âgées, comme les Ehpad. Leur présence n’est plus considérée comme une exception, mais plutôt comme une norme acceptée par une majorité d’endroits. Cependant, il existe encore des lieux où leur accueil reste difficile : c’est notamment le cas des lieux de travail. La question n’est pas totalement tranchée, car en France, la tendance appelée “pet at work”, c’est-à-dire la possibilité d’amener son chien au bureau, commence à faire son apparition et à gagner du terrain.

Dans d’autres pays, comme les États-Unis ou ceux de la sphère anglo-saxonne, cette pratique est bien plus ancrée dans les habitudes depuis maintenant plusieurs années. Dès 1999, une organisation américaine nommée Pet Sitters International a mis en place une journée dédiée encouragent les salariés à venir au travail accompagnés de leur chien, lors du “Take Your Dog to Work Day”. Cette initiative a lieu chaque année, généralement le 20 juin, et une date similaire est réservée aux propriétaires de chats, le 16 juin. Au fil des années, cette tendance a connu un véritable essor dans plusieurs pays qui valorisent la présence animale dans la sphère professionnelle.

En revanche, en France, la pratique reste encore considérée comme innovante et en phase d’expérimentation. Selon un sondage réalisé par La Centrale canine l’année précédente, seulement 9 % des chefs d’entreprises autorisent explicitement leurs employés à venir avec leur animal sur leur lieu de travail. Pourtant, l’envie de voir cette possibilité se généraliser est bien présente : près de 40 % des Français souhaiteraient que l’intégration des animaux dans le cadre professionnel soit davantage encouragée. Certains salariés expriment le soulagement que cela leur apporterait, à l’image de Claude, un cadre de 58 ans à Strasbourg, qui confie ressentir une certaine culpabilité à laisser son chien seul durant de longues heures chaque semaine et aimerait pouvoir lui consacrer plus de moments durant sa journée de travail.

Une acceptation progressive et les premiers pas en France

Emmanuelle, une employée de Strasbourg, aurait souhaité pouvoir emmener son chien au bureau une ou deux demi-journées par semaine. Pourtant, la pratique n’est pas encore une réalité pour beaucoup. La réglementation en France ne interdit pas formellement l’accès des animaux de compagnie dans les espaces de travail, sauf dans certains secteurs très réglementés comme la santé ou l’alimentation. Cependant, la décision finale revient souvent à l’employeur ou au propriétaire des locaux, qui peuvent s’opposer à cette idée pour diverses raisons.

Certains exemples ont été tentés ces dernières années. Des collectivités locales, telles que Grenoble ou Nice, ont expérimenté l’introduction du chien au bureau, avec des résultats positifs pour certains. Michel, résidant à Wittelsheim (Haut-Rhin), raconte qu’il emmène sa chienne environ une fois par semaine pour travailler : “Elle est très calme, reste dans mon bureau avec la porte ouverte, même quand je me déplace dans l’entreprise. Mes collègues apprécient sa présence”, témoigne-t-il avec satisfaction. Ces initiatives montrent qu’une adaptation est possible lorsque l’on souhaite favoriser le bien-être animal tout en conservant un environnement professionnel serein.

Les réticences ne manquent pas, néanmoins. Certains employés ou dirigeants évoquent des problèmes d’allergies ou de phobies. D’autres soulignent que la présence animale pourrait détourner l’attention ou poser des questions d’hygiène. C’est pour répondre à ces préoccupations que des structures d’accompagnement spécialisées commencent à apparaître, comme Poilu.s Paris. Fondée il y a un an, cette agence a pour mission de conseiller et d’auditer les entreprises souhaitant mettre en place une politique “pet friendly”. Selon Anne Quemin, co-fondatrice, la majorité des secteurs qui réfléchissent à cette évolution sont ceux liés à la finance, l’assurance ou la banque. Elle insiste sur le fait que promouvoir la tolérance envers les animaux de compagnie peut aussi représenter un atout pour la réputation de l’entreprise : cela contribue à renforcer la marque employeur tout en améliorant la rétention des salariés, notamment ceux qui ne souhaitent pas se séparer de leur animal même durant leur temps de travail.

En définitive, même si cette pratique n’est pas encore monnaie courante en France, elle semble sur la voie de devenir progressivement une nouvelle norme, portée par l’envie de concilier bien-être personnel, modernisation des espaces professionnels et attractivité des environnements de travail.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.