Des chercheurs réussissent à retirer le chromosome supplémentaire de la trisomie 21

Sophie Lambert

Les avancées dans la recherche sur la trisomie 21 : une nouvelle étape vers la correction génétique

La trisomie 21, plus couramment désignée sous le nom de syndrome de Down, constitue une anomalie chromosomique résultant de la présence d’un chromosome 21 supplémentaire dans le patrimoine génétique d’un individu. Au lieu d’avoir deux copies du chromosome 21, on en retrouve une troisième, ce qui modifie le fonctionnement normal des cellules. Selon les données des Nations unies, cette condition concerne en moyenne environ une naissance sur mille à un sur mille cent dans le monde entier, ce qui en fait une des anomalies chromosomiques les plus répandues.

De récents travaux effectués par des chercheurs rattachés à l’université de Mie, située au Japon, ont mis en lumière des techniques novatrices d’édition du génome, capables d’intervenir directement sur le matériel génétique des cellules humaines. Ces méthodes, encore expérimentales, visent à corriger ou modifier certains segments précis de l’ADN, en particulier dans le contexte de la trisomie 21, lors d’expériences menées in vitro. Autrement dit, ces approches concernent la manipulation du génome en dehors du corps humain, dans des cellules cultivées en laboratoire.

Précisément, dans ces essais, les scientifiques ont utilisé la technologie CRISPR/Cas9 afin de cibler le chromosome 21 en excès au sein de lignées cellulaires issues de la trisomie 21. Ces lignées ont été reconstituées à partir de cellules de la peau, modifiées en laboratoire pour modéliser cette particularité génétique. L’objectif principal était de retirer le chromosome supplémentaire en utilisant le système d’édition génétique.

La technologie CRISPR/Cas9, qui a été récompensée par un prix Nobel en 2020, se distingue par sa simplicité d’utilisation, sa rapidité d’exécution et son efficacité. Elle permet de couper l’ADN à un endroit précis du génome. Pour cela, elle mobilise un « ARN guide » spécifique, conçu pour cibler une séquence d’ADN particulière, associé à l’enzyme Cas9, qui agit comme des ciseaux moléculaires. Lorsqu’elle est activée, cette machine génétique coupe l’ADN à l’endroit choisi, ce qui ouvre la voie à des manipulations plus poussées ou à la suppression de segments indésirables.

Le potentiel de cette technique pour moduler le génome humain ouvre un nouvel horizon dans le domaine médical. Dès lors, la possibilité de supprimer le chromosome 21 en surnombre dans des cellules pourrait, à terme, favoriser des interventions précises sur des cellules humaines ou sur des tissus spécifiques.

Une expression génétique retrouvée après la suppression chromosomique

Les résultats obtenus, publiés en février 2025 dans la revue Pnas Nexus, illustrent cette avancée avec des applications dans divers types cellulaires. En effet, l’équipe japonaise a effectué ses travaux sur des cellules souches pluripotentes induites (appelées également iPSC), ainsi que sur des fibroblastes. Les iPSC sont des cellules reprogrammées en laboratoire à partir de cellules différenciées, telles que celles de la peau, qui ont perdu leur spécialisation pour adopter un état indifférencié semblable à celui des cellules souches embryonnaires.

Ce type de cellules est très précieux en recherche car il permet de modéliser différentes pathologies humaines, dont la trisomie 21. Par ailleurs, les fibroblastes sont des cellules de soutien présentes en grand nombre dans l’organisme, notamment dans la peau. Leur rôle consiste à assurer la stabilité structurale des tissus et leur entretien.

Après avoir éliminé le chromosome 21 en surnombre dans ces cellules, les chercheurs ont constaté un retour à des profils d’expression génétique et d’activité cellulaire considérés comme “normaux”. Ce phénomène marque une étape importante, car il montre que la correction génétique peut rétablir une certaine harmonie dans le fonctionnement cellulaire. Cependant, il reste important de souligner que cette technique n’est pas encore applicable chez l’humain en pratique clinique.

Les scientifiques envisagent néanmoins que des démarches similaires pourraient être explorées à des fins thérapeutiques, notamment sur des cellules nerveuses (neurones) et leur entourage cellulaire, tel que les cellules gliales. Ces éléments jouent un rôle essentiel dans la maintenance et la fonction du système nerveux central, et leur dysfonctionnement contribue aux troubles liés à la trisomie 21.

Toutefois, cette avancée soulève des questions de fond sur la nature même de la trisomie 21, qui n’est pas une maladie à proprement parler, mais une différence génétique permanente. La perspective de modifier le génome de façon à “supprimer” cette anomalie soulève ainsi des interrogations éthiques, sociales et légales importantes. Pour l’heure, ces techniques restent expérimentales et destinées à mieux comprendre la biologie de cette condition complexe.

En somme, ces recherches offrent un aperçu prometteur sur la possibilité de développer à l’avenir des approches de correction génétique pour des anomalies chromosomiques, tout en soulignant la nécessité de continuer à explorer ces nouvelles frontières avec prudence et responsabilité.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.