Depuis 50 ans, cette société manufacture la Porsche 356 automobile

Sophie Lambert

Les Répliques de Porsche 356 : Entre Rêve et Histoire

À première vue, l’idée de conduire une Porsche 356 neuve en 2025 pourrait sembler irréaliste, étant donné que ce modèle a été abandonné dès 1959. Pourtant, durant plusieurs décennies, des artisans et constructeurs ont créé des reproductions, plus ou moins fidèles, de cette voiture emblématique. Ces « fausses Porsche 356 » ont vécu un véritable engouement, surtout dans les années 1980, une époque où la demande pour ces véhicules de collection ou de plaisir était à son apogée. En France comme ailleurs, il était alors courant de pouvoir acquérir des copies telles la PGO, conçue localement, ou la belge Apal, produite en Belgique, toutes deux ressemblant de manière impressionnante à l’original.

Une origine née d’une passion : Intermeccanica, c’est quoi ?

Les débuts d’Intermeccanica sont l’incarnation d’une romance entre passionnés et entrepreneurs visionnaires. Tout commence en 1959, alors que Porsche vient de mettre en place la production de sa fameuse 911, succédant à la 356. À cette période, Paula et Frank, un couple arrivé de Turin à bord de leur Fiat 500, ont décidé d’installer leur campement en hauteur de la ville italienne. Frank Reisner, originaire du Canada et de Hongrie, épaulé par sa femme d’origine canadienne, nourrissent des rêves d’aventure. Sur cette colline de Turin, ils imaginèrent la naissance d’une société qu’ils baptisèrent « Intermeccanica », un nom s’inspirant d’un atelier local spécialisé dans la fabrication de composants pour moteurs Fiat, nommé « Italmeccanica ».

De préparateurs à constructeurs : la carrière d’Intermeccanica

Au début, leur activité se concentre sur la préparation de véhicules. La société devient rapidement un fournisseur de kits de modification, incluant des carburateurs double-corps, des collecteurs d’admission, des arbres à cames haute performance et divers systèmes d’échappement. Leur réputation grandit, et leurs kits deviennent très demandés, non seulement en Europe mais aussi en Afrique du Sud ou en Amérique du Nord. Leur premier grand défi survient lorsqu’un importateur américain leur demande de concevoir une voiture de course pour les compétitions de Formule Junior. Forts de cette expérience, ils envisagent alors de franchir une étape supplémentaire, en devenant eux-mêmes fabricants automobiles.

Le début tumultueux d’une aventure mécanique

Leur première création notable est l’Intermeccanica Puch, une voiture qui, par sa conception, provoque la colère de Fiat et d’Abarth. Dotée d’un moteur Steyr-Daimler-Puch de 500 cm³, cette voiture revendiquée comme une machine de course peut atteindre 160 km/h. Elle trouve une vingtaine de clients principalement dans la compétition, notamment après qu’une des modèles ait remporté une course face aux Abarth italiennes. Cependant, cette victoire ne passe pas sous silence. Carlo Abarth, également en activité à Turin, fait pression sur FIAT, et cela entraîne une interdiction pour Steyr-Puch de fournir des châssis à Intermeccanica. Convaincue, la maison italienne met fin à leur collaboration, stoppant la carrière de l’IMP.

Les ambitions américaines et la chute — puis la renaissance

En 1962, Frank souhaite conquérir le marché américain. Il présente alors un nouveau prototype, l’Apollo, lors d’un salon à New York où il remporte un franc succès. Sa collaboration avec Jack Griffith, malheureusement en faillite, s’avère un revers. Un autre investisseur reprend le projet, mais Frank décide de repartir de zéro avec une nouvelle voiture : l’Italie. La voiture, produite à 400 exemplaires principalement pour le marché américain et allemand, connaît un certain succès. Plus tard, l’Indra, une autre création de la marque, connaît une popularité fulgurante. Mais, comme souvent dans l’industrie automobile, la croissance est freinée brutalement par General Motors, qui décide de stopper la fourniture de moteurs et de pièces indispensables à la production, restreignant également la distribution en Allemagne en interdisant aux concessionnaires Opel de vendre ces véhicules.

Le rêve américain devient réalité : la renaissance d’Intermeccanica

Face à ces obstacles, Frank Reisner décide de changer radicalement de cap et migre en Californie avec sa famille en 1975. Lors d’une visite à San Diego, il tombe amoureux des Porsche 356 Speedster exposées dans une concession. C’est le déclic. Avec Tony Baumgartner, il se lance dans la fabrication de répliques de ces classiques. L’élaboration du plan, du prototype, se fait à Los Angeles, où la carrosserie est moulée directement sur une Porsche 356 Speedster louée pour l’occasion. Le châssis utilisé est celui d’une Volkswagen Coccinelle, véhicule proche dans son architecture de la Porsche originale, mais beaucoup plus accessible, notamment aux États-Unis. Cette initiative connaît un vif succès : au total, environ 600 exemplaires sont produits lors de cette période. Par la suite, Frank continue seul cette aventure, renforçant la réputation de ses véhicules.

Une possibilité encore aujourd’hui : rouler en 356 neuve

Le concept de répliquer la Porsche 356 Speedster rencontre une popularité toujours aussi forte, tant chez les particuliers que chez d’autres constructeurs qui veulent leur propre version de cette icône. La qualité du travail fourni par Intermeccanica fait de ses voitures une référence incontournable. Rapidement, les modèles produits sont considérés comme les meilleures répliques du marché, et leur cote grimpe en flèche. Après le décès de Frank Reisner en 2001, son fils Henry reprend la direction de l’entreprise, relocalisée à Vancouver. Aujourd’hui, Intermeccanica continue de proposer ses Porsche 356 Speedster, avec différentes configurations. Certaines intègrent des moteurs et des trains roulants issus de Porsche 911 modernes ou même de Subaru, offrant des véhicules plus puissants et plus modernes, tout en conservant cette allure vintage si emblématique. Plus coûteuses que les autres répliques, ces voitures jouissent néanmoins d’une renommée pour leur finition irréprochable, leur qualité de fabrication et leur durabilité. Elles permettent à un public principalement nord-américain et japonais de bénéficier d’une expérience de conduite authentique, combinant nostalgie et performance.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.