Varvara Gracheva : une potentiale à suivre lors de Roland-Garros dans un contexte de changement national
En marge d’un contexte difficile pour le tennis féminin français, l’incertitude et la crise de résultats, la jeune joueuse Varvara Gracheva apparaît comme un rayon d’espoir pour le public tricolore. À seulement 24 ans et récemment naturalisée française à l’été 2023, celle qui possède une main droite et un parcours atypique aspire à conserver la dynamique positive amorcée lors de la précédente édition de Roland-Garros. Lors de cette édition, elle avait réussi à atteindre pour la première fois les huitièmes de finale dans ce tournoi prestigieux. Forte de ses résultats et de son histoire personnelle, cette joueuse, originaire de Russie, est aujourd’hui la représentante française la mieux classée dans la hiérarchie mondiale, occupant la 65ème place du classement WTA. La pression qu’elle ressent à l’approche de cette compétition n’est pas anodine, d’autant plus qu’elle a endossé le rôle de leader dans le tennis français féminin, surtout après avoir dépassé ses propres attentes lors de l’Open d’Australie en atteignant le deuxième tour. Son objectif pour cette année est de poursuivre sur cette lancée et, peut-être, de faire la preuve qu’elle peut jouer un rôle important lors de ce tournoi parisien.
Une vie en France depuis presque une décennie
Née le 2 août 2000 à Joukovski, une banlieue située au sud-est de Moscou, Varvara Gracheva a été initiée au tennis par sa mère dès son enfance. À seulement 14 ans, elle a décidé de quitter la Russie pour tenter sa chance dans d’autres pays européens. Son voyage l’a menée d’abord au Portugal puis en Allemagne, avant qu’elle ne s’installé deux ans plus tard dans la région de Provence, dans le sud-est de la France. En 2016, elle intègre l’Elite Tennis Center située à Cannes, qui est dirigée par Jean-René Lisnard, ancien professionnel monégasque et français du début du siècle. Après plusieurs années d’efforts en territoire français, elle a obtenu, début 2023, la nationalité française, après avoir passé un examen de français et complété toutes les démarches administratives nécessaires. La période de juin 2023 marque une étape importante dans sa carrière, puisqu’elle a joué son premier match sous le drapeau tricolore le 26 juin, lors d’une rencontre sur le gazon de Bad Homburg, qu’elle a remportée face à la Roumaine Jaqueline Cristian. Consciente de l’importance symbolique, elle a appris par cœur la Marseillaise afin de représenter fièrement la France dans le cadre de la Billie Jean King Cup, qui doit avoir lieu en novembre prochain.
Une personnalité affirmée et complexe
Sous son apparente timidité et son sourire discret se cache en réalité une jeune femme dotée d’un tempérament marqué. Bien que très douce et agréable en dehors des terrains, elle n’hésite pas à afficher un caractère bien trempé lors des compétitions. Selon un ancien entraîneur, Gérard Solvès, elle aurait une nature amicale et respectueuse face à ses proches et son entourage, mais sur le court, elle ne recule pas lorsqu’il s’agit de se confronter à ses entraîneurs ou de laisser éclater sa fougue. Son tempérament peut parfois compliquer ses relations avec certains membres de son staff ou ses partenaires d’entraînement, car elle manque encore de constance dans la gestion de ses émotions et dans son niveau de jeu. Cette jeunesse et cette complexité humaine sont souvent perçues comme des atouts mais aussi des défis à relever, ce qui explique la difficulté qu’elle peut parfois rencontrer dans le cadre d’une collaboration stable. Surnommée affectueusement « Varya » par ses proches, elle est encore en phase d’apprentissage pour atteindre la constance nécessaire à l’affirmation au plus haut niveau.
Une passion pour l’art et la créativité
En dehors du court, Varvara est une jeune femme plutôt introvertie, mais très expressive à travers ses passions artistiques. Elle emporte systématiquement avec elle un carnet dans lequel elle consigne ses idées, ses pensées, et surtout, ses dessins. Elle trouve dans la pratique artistique un moyen d’évacuer ses émotions ou de se recentrer. D’après un entraîneur, Xavier Pujo, elle possède un véritable talent pour le dessin, lequel est un véritable refuge pour elle. Lors de ses temps libres, notamment lors des compétitions, elle aime peindre ou réaliser des paysages, des natures mortes ou des portraits, en s’essayant aux différentes techniques qu’elle découvre sur Internet. Elle partage aussi une passion pour la culture manga, qui lui permet d’enrichir ses connaissances artistiques ou tout simplement d’apporter une touche de rêve dans sa vie quotidienne. La créativité et l’art représentent donc pour cette joueuse un espace de liberté et d’épanouissement personnel, qu’elle cultive avec beaucoup d’ardeur.
Une révélation lors de l’US Open 2020
Après s’être distinguée sur le circuit secondaire en remportant plusieurs tournois en 2019, Varvara a véritablement lancé sa carrière WTA lors de l’année suivante. La pandémie de Covid-19 a en partie retardé la révélation de son talent, mais elle a su saisir sa chance lors de l’US Open 2020. Durant cette période particulière, isolée dans la bulle sanitaire de Flushing Meadows, elle a montré qu’elle pouvait rivaliser avec les meilleures en éliminant d’entrée la talentueuse Espagnole Paula Badosa sur le score de 6-4, 7-5. Elle a par la suite inscrit une victoire importante contre Kristina Mladenovic, qui à ce moment-là était une joueuse reconnue sur le circuit, battant la Française en trois sets, 1-6, 7-6, 6-0. Elle a cependant été arrêtée en troisième tour par la Croate Petra Martic, alors huitième mondiale, avec un score de 6-3, 6-3. Son début en Grand Chelem a été marqué par une défaite en finale de l’un des tournois du circuit principal, perdue contre l’Ukrainienne Marta Kostyuk en février 2023 à Austin, aux États-Unis. Malgré cela, elle a déjà gagné en confiance en battant Daria Kasatkina lors de l’Open d’Australie, une victoire qui a confirmé tout le potentiel qu’on lui prête.
Un parcours remarquable à Roland-Garros en 2023
Son point culminant en Grand Chelem jusqu’à présent a été sa performance à Roland-Garros 2023. Lors de cette première participation sous la bannière française, elle a su tirer profit de cette occasion pour faire parler d’elle en battant plusieurs joueuses de renom. En particulier, elle a éliminé Maria Sakkari, la 7ème joueuse mondiale, après un match intense en trois sets. Par la suite, elle a également battu Bernarda Pera et la Roumaine Irina-Camelia Begu pour accéder aux huitièmes de finale. En étant la dernière joueuse française en simple lors de cette quinzaine, elle a malheureusement été stoppée par Mirra Andreeva, une jeune prodige russe, dans un match au score serré (7-5, 6-2). Malgré cette défaite, sa performance lui a permis de se faire connaître à l’échelle nationale et internationale, et de confirmer son potentiel dans le monde du tennis. La pression désormais pour cette joueuse sera de gérer la responsabilité de défendre ses points acquis la saison dernière, tout en poursuivant ses ambitions dans un contexte où le tennis français cherche à se renouveler. Sa détermination et sa maturité seront déterminantes pour réussir à se maintenir parmi l’élite lors des prochains grands rendez-vous à venir.
Ce portrait de Varvara Gracheva témoigne d’un parcours en pleine évolution, mêlant talent brut, sensibilité artistique et affirmation personnelle, dans un contexte de mutation pour le tennis féminin français.