Comment les choux améliorent l’efficacité de l’immunothérapie contre le cancer

Sophie Lambert

Les légumes crucifères et leur rôle dans la prévention du cancer

De nombreux légumes tels que le chou, le brocoli, le chou-fleur, le cresson, le navet, la roquette ou encore le radis sont généralement recommandés pour leur contribution à une alimentation saine et équilibrée. Cependant, des recherches récentes ont révélé que ces aliments pourraient également jouer un rôle stratégique dans la lutte contre le cancer, en particulier lorsqu’ils sont intégrés à une alimentation spécifique. Leur avantage supplémentaire réside dans leur capacité à renforcer l’efficacité des traitements anticancéreux, ce qui pourrait ouvrir de nouvelles perspectives dans la prise en charge de la maladie.

Selon le Dr Elodie Segura, chercheuse à l’Institut Curie au sein de l’unité Immunité et Cancer, il est aujourd’hui bien établi que l’environnement peut influencer la réussite des traitements contre le cancer. Elle précise que la nutrition constitue un facteur environnemental majeur, notamment parce que la composition du microbiote intestinal, modifiable par nos habitudes alimentaires, affecte directement l’efficience de certains traitements d’immunothérapie. C’est précisément cette relation entre alimentation et réponse thérapeutique que ses travaux ont recentré leurs investigations pour mieux comprendre et exploiter cet interplay.

L’étude a porté une attention particulière à une molécule appelée indole-3-carbinol, que l’on retrouve naturellement dans la famille des crucifères. Les chercheurs ont voulu déterminer si cette substance pouvait renforcer l’impact des traitements anticancéreux grâce à son interaction avec le système immunitaire. À cette fin, ils ont organisé une expérience sur des modèles animaux, en soumettant deux groupes à différents régimes alimentaires : l’un comprenant de l’indole-3-carbinol et l’autre sans cette molécule. La thérapie anti-PD1, une immunothérapie très couramment utilisée dans certains cancers comme le mélanome, le cancer du poumon non à petites cellules, celui du rein ou encore le lymphome hodgkinien, a été administrée dans ces deux contextes.

Les résultats obtenus ont été saisissants. Chez les animaux ayant reçu l’indole-3-carbinol dans leur alimentation, la majorité — environ 50 à 60 % — ont répondu favorablement au traitement et ont vu leur cancer reculer ou se stabiliser. En revanche, chez ceux qui n’avaient pas assimilé cette molécule, l’efficacité de la thérapie n’était plus que d’environ 20 %, signalant une perte drastique d’efficacité en l’absence de l’indole-3-carbinol. Ces chiffres mettent en lumière une influence claire de cette molécule sur la réponse immunitaire face à la tumeur, soulignant son potentiel pour améliorer les résultats cliniques.

Les mécanismes biologiques en jeu

Au-delà de ces résultats prometteurs, l’étude a permis également de mieux appréhender les mécanismes sous-jacents à cette interaction bénéfique. En effet, lors d’une immunothérapie à base d’anti-PD1, l’objectif est de réactiver et d’augmenter l’action des lymphocytes T, ces cellules clés responsables de la détection et de l’élimination des cellules cancéreuses. Or, il apparaît que sans la présence d’indole-3-carbinol, ces lymphocytes ont du mal à retrouver leur pleine capacité à fonctionner, ce qui réduit leur efficacité dans la lutte contre la tumeur.

L’explication réside dans l’interaction de cette molécule avec un facteur de transcription spécifique, nommé Aryl Hydrocarbon Receptor (AhR). Ce récepteur, lorsqu’il est activé par l’indole-3-carbinol, agit comme un messager qui, une fois lié à ce ligand, stimule les lymphocytes T cytotoxiques. Cette activation leur confère une meilleure aptitude à prendre en charge le cancer, augmentant ainsi leur efficacité lors des traitements. En somme, la présence de cette molécule dans le régime alimentaire pourrait moduler le fonctionnement des lymphocytes, leur permettant de mieux réagir face aux cellules tumorales.

Pour les chercheurs, ces découvertes ouvrent la voie à une démarche plus personnalisée dans le traitement des cancers. En permettant aux patients d’optimiser leur alimentation, en particulier en intégrant des crucifères riches en indole-3-carbinol, il serait possible d’accroître l’efficacité des thérapies en cours. Ces avancées soulignent une nouvelle dimension dans la lutte contre le cancer, où la nutrition ne se limite pas seulement à prévenir, mais devient également un levier pour renforcer la réponse thérapeutique.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.