Comment la streameuse Maghla est devenue l’une des personnalités les plus influentes du web

Sophie Lambert

Maghla : une figure emblématique de la scène numérique française

Maghla, qui maîtrise aussi bien l’univers du streaming que celui des podiums de défilé, s’est rapidement affirmée comme une personnalité incontournable du web hexagonal. À l’aise dans l’interaction avec sa communauté, elle se distingue notamment par sa capacité à représenter la féminité dans un secteur encore majoritairement masculin. Elle n’hésite pas à dénoncer avec force les agressions et discriminations sexistes qui sévissent sur la toile, faisant d’elle une voix de premier plan dans cette lutte.

Son pseudonyme, Maghla, provient de son deuxième prénom, et elle a su accumuler un public fidèle à travers ses multiples activités en ligne. Elle propose un contenu éclectique qui mêle facilités, souvent inattendues, du divertissement dans le domaine de la mode, des échanges intimes lors de podcasts où elle reçoit les témoignages de ses abonnés, ou encore des sessions de jeux d’horreur. Pour elle, cette diversité reflète plusieurs facettes de sa personnalité, qu’elle exprime dans ses vidéos et ses interactions. Sa vie quotidienne, arpentant par moments les circuits automobiles lors du GP Explorer, en est aussi une illustration. Son amour du jeu vidéo, passion hérité de son père, a été le moteur initial de sa carrière sur la scène du streaming.

Une ascension soutenue par une communauté massive

C’est en 2017, tout en étudiant l’économie-gestion, que Maghla s’est lancée sur Twitch, à l’époque encore peu connu du grand public. Ce lieu lui a offert un espace où elle pouvait partager librement ses passions, étant naturellement communicative. Elle se souvient avoir été alors une enfant discrète et studieuse, trouvant dans la plateforme une échappatoire pour exprimer ses goûts et ses idées, tout en étant filmée dans un petit studio aménagé pour l’occasion.

Aujourd’hui, elle rassemble plus de 1,1 million d’abonnés sur Twitch, ce qui en fait la première streameuse de France. Bien qu’elle se positionne en tête de classement national, elle ne figure qu’au sein du top 30 si l’on considère tous les créateurs, hommes compris. Son parcours n’a pas été exempt de difficultés : dès ses débuts, elle a dû faire face à de nombreuses remarques sexistes, voire à du harcèlement. Elle se rappelle d’insultes liées à sa apparence — comme le fait de porter du rouge à lèvres ou de montrer un peu trop ses bras ou son décolleté. Ces agressions l’ont poussée à changer sa manière de s’habiller, à se maquiller moins ou à se couvrir davantage. Elle a aussi été la cible de montages pornographiques ou de photos trafiquées la représentant nue ou diffusant sa semence, des tentatives de diffamation numérique qu’elle a dû combattre en déposant plainte. En 2022, l’un de ses agresseurs a été condamné à un an de prison.

Une lutte continue contre la sexualisation excessive

Quelques mois après ces incidents, Maghla a pris la parole sur ses réseaux sociaux pour dénoncer l’attitude persistante de sexualisation à son encontre. Son message a suscité un mouvement de solidarité parmi d’autres femmes streameuses qui, jusqu’alors, avaient gardé le silence face à ce type de harcèlement. Elle insiste sur l’importance d’évoquer ces problématiques, soulignant combien il est nécessaire de briser la solitude dans laquelle elles évoluaient.

Face à cette réalité, elle a décidé de réduire sa présence sur Twitch afin de se recentrer sur YouTube, une plateforme où elle peut conserver une certaine distance avec ses spectateurs, sans avoir à lire en permanence les commentaires. Elle s’entoure d’une équipe d’une dizaine de collaborateurs, ce qui lui permet de développer ses projets, allant des podcasts filmés à des formats plus ambitieux, reminiscent d’émissions de jeu télévisé.

Une figure engagée et une voix solide pour la parité

Afin de financer ses activités, Maghla s’associe à diverses marques, ce qui lui permet de couvrir jusqu’à 70 % de ses coûts. Le reste étant assuré par ses revenus issus des plateformes comme YouTube. Elle apparaît également dans plusieurs productions importantes, notamment celles de Squeezie, un créateur de contenu comptant plus de 20 millions d’abonnés, avec qui elle partage une agence artistique, Bump.

Pour elle, faire sa place dans cet espace numérique en tant que femme est essentiel. Elle insiste sur la nécessité de bâtir une solidarité féminine forte et de promouvoir la parité dans le contenu qu’elle propose. Elle déplore le nombre de créateurs masculins qui n’invitent pas suffisamment de femmes créatrices, mais continue d’espérer que le changement est en marche. Récemment, elle a déposé deux nouvelles plaintes contre des harceleurs, sans que celles-ci n’aient encore abouti. Elle garde néanmoins une foi optimiste, affirmant que la situation s’améliore lentement mais sûrement : “C’est meilleur qu’il y a huit ans, mais il reste encore beaucoup à faire. Il faut être armée de résilience et de courage.”

Accédant à plusieurs défilés pour L’Oréal, Maghla a aussi brièvement quitté l’anonymat numérique pour apparaître dans la série télévisée Bref 2, et rêve désormais de se lancer dans le cinéma. Se décrivant comme une version authentique d’elle-même aujourd’hui, elle avoue n’avoir jamais été aussi fidèle à ses convictions. Enfant, elle aurait souhaité avoir une sœur comme sa propre image, une grande sœur virtuelle qu’elle aurait admirée. Aujourd’hui, au sommet de sa notoriété, elle se positionne comme une grande sœur pour un public qu’elle considère comme sa famille numérique, incarnant une solidarité et une force vitale dans un secteur encore en pleine évolution.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.