La conscience de la faim, un facteur clé dans nos irritations face à l’attente
Il peut arriver que l’attente avant un repas soit particulièrement difficile à supporter, et cela peut même influencer notre humeur. En effet, des chercheurs allemands apportent une explication à cette sensation d’agacement : celle-ci serait directement liée à ce qu’ils nomment la « conscience de la faim ». En résumé, lorsque nous ressentons un retard au moment de passer à table, notre irritation ne serait pas simplement une réaction émotionnelle, mais une réponse à notre perception interne d’une baisse d’énergie, provoquée par une chute de notre taux de sucre dans le sang.
Ce phénomène, qui explique pourquoi certains deviennent plus grincheux ou plus impatients à l’approche des repas, n’est pas uniquement dû à une modulation physiologique. Les scientifiques soulignent que c’est surtout la façon dont nous percevons cette baisse d’énergie, à l’intérieur de notre corps, qui joue un rôle majeur. Cela signifie que ce n’est pas uniquement la baisse de la glycémie elle-même qui influence notre humeur, mais la perception que nous en avons, la conscience que nous en sommes.
Les résultats de cette étude, fraîchement publiés dans la revue médicaled’échelle internationale eBioMedicine, une publication du prestigieux Lancet, confirment cette hypothèse. La recherche souligne la différence essentielle entre une relation physiologique directe et la perception subjective que nous avons de notre état intérieur. En d’autres mots, ce n’est pas seulement la baisse du glucose sanguin qui nous rend grognon, mais la conscience que cette baisse entraîne une fatigue, une faiblesse ou un manque d’énergie perçus de manière consciente. Les chercheurs ont ainsi mis en évidence que cette perception consciente est le véritable moteur de nos variations d’humeur liées à la faim plutôt que le simple changement biochimique.
Le phénomène de la sensation de faim, un déclencheur de l’humeur
Lorsqu’on ressent la faim, il est courant de constater que notre humeur a tendance à se troubler. Mais l’étude a montré que cette relation n’est pas uniquement due à une variation quantifiable de la glycémie ou à des effets physiologiques automatiques. Au contraire, la principale variable influençant cette association semble être la perception intérieure de notre état énergétique, c’est-à-dire la sensation que nous ressentons face à cette baisse d’énergie.
Une nouvelle recherche menée par des équipes de l’hôpital universitaire de Bonn, de l’université de Bonn, ainsi que du CHU de Tübingen a permis d’éclaircir cette question. Leur constat est que ce n’est pas directement la baisse de glucose dans le sang qui génère l’humeur morose, mais davantage la manière dont chaque individu perçoit cette baisse, voire l’expérimente consciemment. Autrement dit, la conscience de ce que l’on ressent en termes de fatigue ou de faiblesse joue un rôle de médiation dans l’impact de la baisse de glycémie sur l’état émotionnel.
Ce qui est important, c’est donc la perception subjective du manque d’énergie, et non la variation physiologique en soi. La baisse de la glycémie n’agit pas systématiquement comme un facteur causant d’humeur dépressive ou irritable — c’est la conscience que l’on en a qui semble déterminer notre réaction. La manière dont nous interprétons ce qui se passe à l’intérieur de notre corps influence largement nos réactions émotionnelles face à la faim, ce qui peut expliquer pourquoi certaines personnes sont plus résilientes face à ces variations.
Les chercheurs ont suivi 90 adultes en bonne santé sur une période de quatre semaines, en utilisant des capteurs de glucose en continu, semblables à ceux utilisés dans le traitement du diabète, afin d’obtenir des mesures objectives du taux de sucre sanguin. Parallèlement, ces participants répondaient plusieurs fois par jour à une application smartphone concernant leur sensation de faim, leur satiété et leur humeur. Les résultats montrent que si la glycémie est bien liée à l’état émotionnel, ce n’est pas uniquement cette variable qui compte. En réalité, c’est la perception consciente de la baisse d’énergie qui intervient comme un médiateur dans cette relation.
Ce n’est donc pas la simple relation entre chute de sucre et humeur qui est en jeu. Les chercheurs ont conclu que la perception cognitive de notre état intérieur, notamment la sensation de fatigue ou de faiblesse, est ce qui influence réellement nos réactions émotionnelles face à la faim. L’impact de cette étude est considérable, puisqu’il démontre que nos réactions émotionnelles face à la sensation de faim sont modulées par notre conscience interne, plutôt que par une réaction physiologique automatique.
Selon le Dr Kristin Kaduk, auteure principale de cette recherche, la véritable influence ne réside pas dans le taux de glucose lui-même, mais dans la façon dont nous percevons cette baisse d’énergie. Autrement dit, la conscience de notre état intérieur serait la clé pour mieux gérer nos émotions, même face à des fluctuations biologiques.
Perception de son corps et régulation émotionnelle
L’étude ouvre une nouvelle perspective en soulignant l’importance de l’intéroception, c’est-à-dire de la conscience que nous avons de nos signaux corporels internes. La capacité à percevoir exactement ce que notre corps nous envoie comme signaux joue un rôle crucial dans la régulation de nos émotions. Plus on est sensible à ces variations internes, notamment à celles liées à la glycémie, plus on peut mieux contrôler ses réactions émotionnelles.
Les résultats indiquent aussi que les personnes qui sont particulièrement conscientes de leurs changements internes, notamment de leur glycémie, ont tendance à moins subir de fluctuations de leur humeur. Cela implique qu’une meilleure connaissance de soi et une perception précise de ses sensations corporelles contribuent à stabiliser l’état émotionnel. En somme, mieux se connaître permet d’imposer une meilleure maîtrise de ses réactions face aux variations énergétiques.
Le professeur Nils Kroemer, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie à l’université de Tübingen, avance ainsi que ressentir consciemment ses états corporels pourrait agir comme un véritable tampon pour l’humeur. Selon lui, cette conscience corporelle peut jouer un rôle protecteur face aux changements d’énergie, aidant à maintenir une stabilité émotionnelle même lorsque le corps traverse des fluctuations métaboliques. Il ajoute que cette perception fine des signaux internes facilite la régulation mentale face aux variations naturelles de l’énergie.
Pour finir, ce travail scientifique confirme que la perception consciente de notre corps n’est pas qu’un simple mécanisme d’auto-évaluation, mais aussi une véritable clé pour une meilleure gestion émotionnelle. La capacité à ressentir avec précision ses signaux internes contribue à préserver l’équilibre émotionnel, même en période de fluctuations métaboliques telles que celles entraînées par la faim ou la baisse de glycémie. Ces découvertes offrent une nouvelle piste pour mieux comprendre comment nos sentiments et notre humeur sont façonnés par notre perception intérieure, plutôt que par des mécanismes purement automatiques.






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Comment la faim peut-elle impacter votre humeur ?