Ce samedi, un accord prévoit la création d’un État et une nouvelle nationalité en Nouvelle-Calédonie

Sophie Lambert

Les principaux acteurs politiques de Nouvelle-Calédonie ont conclu, ce samedi à Bougival, un accord formel en vue de soutenir un projet commun concernant l’avenir régional. Cet engagement vise à faire avancer une proposition concernant le futur institutionnel du territoire. Voici les éléments clés de ce texte.

Une déclaration en faveur de la création d’un « État calédonien »

Ce document officiel prévoit la mise en place d’un nouvel État appelé la « Nouvelle-Calédonie », qui serait structuré par une constitution fondamentale. Ce texte fondamental pourrait faire évoluer certains symboles nationaux tels que le nom officiel du pays, son drapeau, son hymne ou encore sa devise. En outre, il inclura un code spécifique de citoyenneté, ainsi qu’une charte des valeurs calédoniennes, qui mêlerait des principes « républicains », des valeurs propres aux Kanak, ainsi que des références aux aspirations océaniennes. La validation de cette charte exige une majorité qualifiée des trois cinquièmes au sein du Congrès calédonien.

La création d’une nationalité propre à la Calédonie

Ce nouvel accord prévoit également l’introduction d’une nationalité distincte pour la Calédonie, qui viendrait en complément de la nationalité française. Elle serait attribuée aux personnes françaises remplissant certains critères à définir dans la nouvelle constitution. Il en résulterait une double nationalité : française et calédonienne. La renonciation à la nationalité française signifierait également une renonciation à la nationalité calédonienne, assurant une coexistence des deux statuts.

Une éventuelle délégation de compétences souveraines

Actuellement, la répartition des compétences entre l’État central et les autorités locales demeure inchangée. Cependant, le texte offre la possibilité de transférer progressivement certains pouvoirs, à condition d’une majorité des trois cinquièmes au sein du Congrès. Ces transferts pourraient concerner des domaines sensibles tels que la diplomatie, la sécurité, la justice ou encore la politique monétaire. La nouvelle entité calédonienne aurait la capacité d’exercer pleinement ses relations internationales, à l’exception des questions liées à la défense et à la sécurité, tout en tenant compte des intérêts de la France.

Un accord de cette portée a été finalisé à l’issue de neuf jours de négociations intenses à Bougival.

Une stratégie économique commune

Un accord de reconstruction économique doit définir des objectifs précis pour la gestion des finances publiques, tout en stimulant la croissance économique. Parmi les mesures envisagées, un plan spécifique pour exploiter le nickel est en préparation. Ce dernier vise à faciliter l’exportation de cette ressource stratégique, tout en assurant sa transformation sur place, dans le respect des enjeux locaux.

Un processus d’adoption toujours en cours

Ce « projet d’accord » ne constitue pas encore une étape finale. Il doit être soumis à la validation par les acteurs politiques en Nouvelle-Calédonie, après une consultation de tous les partis et mouvements signataires. Une fois que ses bases auront été approuvées, le processus prévoit la promulgation d’une loi organique à l’automne, permettant de repousser les prochaines élections provinciales – essentielles pour la composition du Congrès et du gouvernement – à mai-juin 2026. Par la suite, un projet de loi constitutionnelle sera présenté, nécessitant l’approbation des parlementaires à Versailles durant le dernier trimestre de l’année, afin d’inscrire l’accord dans la Constitution française. Enfin, un référendum calédonien aura lieu, probablement en février 2026, pour permettre à la population de se prononcer définitivement.

Un statut original approchant celui d’un « protectorat », selon un expert

Le spécialiste en droit constitutionnel Benjamin Morel considère que le futur « État calédonien » se rapprocherait d’un modèle d’« indépendance-association » inédit. Selon lui, cela évoquerait un système fédéral semblable à celui des Länder allemands ou des États américains. Toutefois, il souligne que la situation est très différente, en la comparant plutôt aux statuts de protectorat mis en place après la Première Guerre mondiale ou dans des pays en décolonisation après 1958. La perception pourrait donner l’impression que la majorité indépendantiste aurait triomphé. Néanmoins, les partisans de l’intégration ont su obtenir des moyens de blocage, notamment un corps électoral régulier favorable à leur cause à moyen terme, ainsi qu’une meilleure représentation au sein du Congrès, afin d’éviter une indépendance immédiate. Selon lui, la principale critique juridique de cet accord réside dans le fait qu’il maintient la France dans une position de puissance coloniale. En conclusion, cette configuration particulière laisse planer la question sur le classement de la Nouvelle-Calédonie dans la liste des territoires non autonomes de l’ONU, étant donné qu’elle possède une souveraineté formelle tout en dépendant pour une partie de ses compétences d’un autre État.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.