Ce qu’il faut retenir de l’audition de François Bayrou sur l’affaire Bétharram

Sophie Lambert

Je n’ai pas caché la vérité, a affirmé ce mercredi François Bayrou lors de son témoignage sous serment devant une commission d’enquête de l’Assemblée qui l’a longuement questionné (plus de cinq heures) sur ses connaissances concernant l’affaire des violences physiques et sexuelles au collège-lycée Notre-Dame de Bétharram. La justice, représentée par le parquet de Pau, mène une enquête depuis un an sur près de 200 plaintes déposées par des victimes présumées de violences et de viols survenues dans cet établissement entre les années 1970 et 1990.

Dans un contexte tendu, l’ancien ministre a adopté un ton très offensif. Cette affaire le touche en profondeur, tant sur le plan personnel que politique. Père de plusieurs enfants scolarisés dans cet établissement catholique réputé, situé à proximité de Pau, la ville dont il a été maire, il a exprimé sa position. Sa fille, Hélène Perlant, a récemment confié avoir elle-même été victime de violences physiques lors d’un camp organisé par la congrégation de Bétharram. « Je maintiens ma version. En tant qu’ancien ministre de l’Éducation nationale, je n’ai eu accès à aucune autre information », a-t-il insisté. « Je n’ai pas été informé de violences graves ou sexuelles, et je n’en ai entendu parler que par la presse », a-t-il ajouté.

« Je n’ai rien dissimulé »

Confronté à des reproches, notamment par le corapporteur de la LFI, Paul Vannier, qui l’a accusé d’avoir modifié à plusieurs reprises ses déclarations en l’espace de sept jours en février 2025 concernant sa connaissance de l’affaire, François Bayrou s’est défendu en affirmant : « Je n’ai rien dissimulé. » Cependant, il a parfois eu du mal à se souvenir précisément des dates, évoquant des souvenirs vagues et laissant apparaître quelques contradictions dans ses propos. Le chef du gouvernement n’a pas hésité à pointer du doigt deux témoins ayant témoigné dans cette affaire, les accusant d’avoir inventé de toutes pièces certains détails.

Pour répondre aux critiques concernant une possible inaction de sa part lorsqu’il occupait la fonction de ministre de l’Éducation, Bayrou a indiqué avoir commandé en urgence un rapport d’inspection en avril 1996, soit le lendemain d’une plainte déposée par un parent d’élève. Néanmoins, ce rapport a été considéré comme « très superficiel » par la corapporteur Violette Spillebout, députée Renaissance, et ses conclusions ont été jugées « très favorables » à l’établissement concerné.

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« Tout cela visait à me faire plier »

Durant sa défense, François Bayrou a aussi mis en cause ceux qui, selon lui, auraient voulu lui tendre un piège pour le faire démissionner. Il a notamment accusé Paul Vannier, le corapporteur de la LFI, de vouloir « alimenter un procès en scandale », lui reprochant de façon répétée de mentir et de déformer la réalité lors de ses interventions. Le Premier ministre a aussi critiqué la commission d’enquête de l’Assemblée, qu’il a qualifiée de segment partial, estimant qu’elle visait avant tout à le déstabiliser et à nuire à son gouvernement. « Vous n’avez questionné que moi, sur ma responsabilité, sur ce que j’ai ou n’ai pas fait, ou sur ce soupçon d’avoir, en tant qu’ancien ministre, voulu couvrir des pédocriminels. Toute cette audition tournait autour de ça », a-t-il déclaré après environ cinq heures de témoignage. Il a regretté que le sujet principal ait été cette suspicion, plutôt que les victimes elles-mêmes. « Je préférerais que l’on parle enfin des victimes », a-t-il insisté, tout en ajoutant : « Pardon de parler de façon un peu triviale, mais il s’agissait pour certains de m’accuser dans le but de me contraindre à démissionner. »

En fin de journée, François Bayrou a tenu à réaffirmer qu’il n’avait pas « la moindre responsabilité » dans ce qui lui était reproché. « Je n’ai couvert aucune pratique, quelles qu’elles soient. Je n’ai pas eu d’informations privilégiées. Quand j’ai découvert ces affaires, je n’ai pas tardé à agir, et je n’ai jamais pris part à aucune intervention qui aurait pu favoriser des actes de pédocriminalité », a-t-il précisé. Toutefois, il a reconnu qu’« on porte tous une part de responsabilité, quel que soit le département ou la région d’où l’on vient ».

L’audition n’a pas apaisé les représentants des victimes, qui ont du mal à considérer cette entrevue comme une avancée. Le porte-parole du collectif, Alain Esquerre, a déclaré que « pour nous, François Bayrou ne représente pas l’enjeu central de notre combat. Son nom fait partie d’une longue chaîne de responsabilités, d’alertes ignorées et de silences au sein des institutions ».

Une volonté de renforcer la lutte contre les violences

François Bayrou a évoqué, dans le cadre de ses propositions de réforme, la création d’une autorité indépendante capable de superviser la lutte contre les violences faites aux enfants. Inspirée par le modèle allemand, cette instance disposerait d’un « conseil scientifique » et d’un « conseil des victimes ». Elle couvrirait l’ensemble des établissements scolaires, mais aussi les associations sportives, culturelles et même les familles. « Je pense qu’il est judicieux de disposer d’une structure qui écoute réellement les victimes, afin de mieux comprendre leurs besoins », a expliqué François Bayrou lors de son audition à l’Assemblée.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.