Cancer de l’estomac : 16 millions de nouveaux cas à venir, l’urgence du dépistage

Sophie Lambert

Titre : La menace grandissante du cancer de l’estomac : une épidémie à anticiper

Selon les données récoltées par l’Institut Pasteur, le nombre de cas de cancers gastriques détectés dans le monde s’élève à environ 1,1 million. Un chiffre qui pourrait bien s’accroître de manière significative dans les années à venir, selon les projections du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). En effet, les estimations anticipent une explosion du nombre de diagnostics si aucune mesure de prévention n’est adoptée.

Une étude récente menée par le CIRC et publiée le 7 juillet dans la revue Nature Medicine a permis d’évaluer le nombre de nouveaux cancers de l’estomac chez les personnes nées entre 2008 et 2017. En faisant l’hypothèse que les stratégies de contrôle restent inchangées, les spécialistes anticipent près de 15,6 millions de nouveaux cas à travers le monde dans cette cohorte démographique. La méthode adoptée pour cette évaluation a consisté à analyser les données provenant de 185 pays. Les chercheurs ont combiné les taux d’incidence selon l’âge, recueillis dans le cadre du projet Globocan 2022, qui fournit des statistiques régulières sur la fréquence, la mortalité et le futur fardeau des 28 principaux types de cancers dans 184 nations. À cela s’ajoutent les données spécifiques à chaque groupe d’âge concernant la mortalité.

Il ressort de cette étude que la majorité des cas doit être comptabilisée en Asie, avec 68 % du total estimé. L’Amérique du Nord représenterait 13 %, l’Afrique 11 %, l’Europe 8 %, tandis que l’Océanie ne concentrerait qu’une part très faible, de l’ordre de 0,4 %. Toutefois, il est important de noter que la croissance démographique va amplifier cette tendance, notamment dans les régions où l’incidence actuelle du cancer de l’estomac est faible, comme en Afrique subsaharienne, où le nombre de nouveaux cas pourrait devenir jusqu’à six fois supérieur à celui prévu pour 2022.

Un facteur clé : la bactérie Helicobacter pylori responsable d’une majorité des cas

Les recherches accentuent l’importance du rôle joué par la bactérie Helicobacter pylori dans la genèse de nombreux cancers gastriques. Selon le CIRC, plus de 75 % des cas à venir pourraient être liés à cette infection. La bactérie, en causes majeures, est responsable de plus de sept fois la majorité des cancers recensés. Selon l’Institut Pasteur, l’infection par H. pylori se contracte généralement durant l’enfance et persiste tout au long de la vie si aucune intervention thérapeutique n’est entreprise. La réponse inflammatoire provoquée par cette infection, qui peut aller de la simple gastrite à des formes plus graves, s’installe sur le temps, devenant chronique dans la majorité des cas.

Pour la plupart des porteurs de cette bactérie, la présence de l’infection reste silencieuse ou asymptomatique. Seuls 10 % d’entre eux développeront un ulcère gastrique, et moins d’un pour cent seront confrontés à un cancer de l’estomac. La H. pylori est aujourd’hui reconnue comme la première bactérie directement impliquée dans la survenue d’un cancer gastrique. Elle se transmet principalement par contact oral ou par échange de liquides corporels, souvent au sein des familles, et sa transmission est favorisée par un environnement où les conditions sanitaires et l’hygiène sont dégradées.

Une prévention essentielle pour réduire la charge future

Selon le CIRC, cette infection pourrait être responsable de 8 millions de cas en Asie, 1,5 million en Amérique, et 1,4 million en Afrique. Malgré cette importante prévalence, le cancer de l’estomac est considéré comme évitable, notamment grâce à des campagnes de dépistage et aux traitements efficaces de l’infection à H. pylori. Cependant, il apparaît également que, bien que la gravité de cette maladie et la possibilité de prévention soient largement reconnues, les investissements globaux pour la lutte contre le cancer gastrique restent insuffisants.

Le Dr Jin Young Park, responsable de l’équipe de prévention du cancer du CIRC, souligne l’urgence d’établir des stratégies coordonnées pour faire face à cette menace croissante. Il insiste sur la nécessité de préparer les systèmes de santé régionaux à gérer cette épidémie anticipée en multipliant les initiatives de prévention, telles que les analyses de dépistage et les traitements ciblés pour éradiquer H. pylori. Manifestement, le cancer de l’estomac est un fléau dont la majorité pourrait être évitée par l’adoption de politiques de santé publiques responsables et adaptées.

Il est crucial de rappeler que la majorité des infections à H. pylori survient dans des environnements où les conditions sanitaires sont mauvaises, ou chez des populations où la promiscuité est importante. La prévalence de cette bactérie varie donc fortement en fonction du contexte socio-économique, ajoutant ainsi une dimension d’inégalité dans la lutte contre cette infection et ses conséquences graves. L’élimination de cette bactérie, associée à une meilleure hygiène et à des programmes de dépistage systématiques, est une étape essentielle pour réduire significativement le nombre de cancers gastriques dans le futur.

Sources : Institut Pasteur, CIRC.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.