Après 60 ans, l’inégalité bancaire entre femmes et hommes demeure toujours d’actualité

Sophie Lambert

Il y a six décennies, la loi du 13 juillet 1965 a marqué une étape importante pour les droits des femmes en permettant à celles-ci, mariées, d’ouvrir un compte bancaire à leur nom sans nécessiter la permission de leur conjoint. Cette législation leur a également donné la possibilité de signer un contrat de travail indépendamment de l’approbation de leur mari. Ce changement juridique a eu pour effet de mettre en lumière certains acteurs du secteur financier, qui ont rapidement orienté leur communication pour promouvoir cette avancée, notamment à travers des campagnes ciblées et des initiatives telles qu’un « cahier de vacances » consacré à l’autonomie financière des femmes.

« Les initiatives portées par des femmes reçoivent encore moins de financement »

Cependant, malgré ces progrès, la situation demeure encore bien fragile. Selon l’historienne Sabine Effosse, si on constate une amélioration, nous ne sommes pas encore parvenus à une situation réellement équilibrée. La lutte pour l’égalité a été engagée bien avant la loi de 1965, avec une longue histoire de bataille législative dont la loi Rixain de 2021 constitue une dernière étape. Mais les efforts pour faire évoluer concrètement les pratiques au sein des institutions restent particulièrement difficiles, et leur changement n’est pas encore acquis. En effet, il est aujourd’hui évident que les projets portés par des femmes se voient souvent accorder moins de financements que ceux engagés par des hommes. Lors d’une intervention à l’Assemblée nationale, la ministre de l’Égalité entre les sexes, Aurore Bergé, a souligné cette réalité et évoqué des discussions en cours avec la Fédération bancaire française pour tenter de remédier à cette discrimination.

Inégalités dans la détention de produits d’épargne

La disparité entre hommes et femmes ne se limite pas à l’accès aux financements. Elle se manifeste aussi dans la détention de produits d’épargne. Selon une étude récente publiée par La France Mutualiste et Bpifrance, les femmes possèdent en moyenne moins de contrats d’assurance vie et détiennent moins d’actions cotées en bourse que les hommes. Les obstacles liés à l’épargne sont profondément ancrés et remontent à une histoire ancienne. Bien que les femmes aient pu, dès le début du XIXe siècle, ouvrir des comptes à la Caisse d’épargne et de prévoyance, il leur a fallu attendre plusieurs décennies avant d’obtenir le droit de retirer leurs économies sans demander l’accord de leur mari.

Un déficit d’égalité dans la gouvernance bancaire

Malgré la forte représentativité des femmes dans la profession – elles constituent 57 % des effectifs, selon la Fédération bancaire française – leur présence dans les postes de direction reste marginale. La majorité des grandes banques françaises n’ont jamais été dirigées par une femme, comme en témoigne la photo des premiers cercles de leurs comités de direction. Lors de l’élection pour la succession du directeur du Crédit Agricole, aucune femme ne se trouvait parmi les candidats, alors que le cercle d’influence de BNP Paribas, élargi à six membres, ne comptait aucune femme à ce moment-là. La sous-représentation féminine s’accompagne aussi d’un déclin progressif à mesure qu’on avance dans la hiérarchie. La question financière est intrinsèquement liée à un rapport de force : comme le rappelle Sabine Effosse, dans ces dynamiques, celui qui perd en pouvoir est forcément celui qui en détient moins. La bataille actuelle se concentre notamment sur l’accès aux investissements, le financement des projets et les responsabilités managériales.

Les efforts pour mobiliser davantage les femmes et améliorer leur maîtrise des enjeux financiers sont essentiels pour faire évoluer ces inégalités structurelles. La lutte implique non seulement des changements législatifs, mais aussi une volonté de transformer en profondeur les pratiques professionnelles et les représentations sociales du pouvoir dans le secteur bancaire.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.