Adieu Suzuki Jimny, notre amour pour l’essai automobile s’achève

Sophie Lambert

Le charme intemporel du Jimny : entre pratique, émotion et popularité

Il faut bien l’admettre, très peu de voitures modernes parviennent à susciter une véritable émotion. La majorité des modèles qui peuvent faire monter l’adrénaline ou faire dresser les cheveux sont généralement ces grosses sportives hors de prix, souvent comparables au coût d’une maison sur la Côte d’Azur. En dehors de ces exceptions presque exclusives, peu de véhicules parviennent à provoquer un sourire sincère, à déclencher un pouce levé ou à lancer une discussion spontanée sur leur fiche technique ou leur style.

Cependant, il existe un modèle qui, malgré son aspect modeste, possède une capacité remarquable à faire fondre ses heureux propriétaires : le Suzuki Jimny. Ce petit 4×4, à la fois pratique, économique et doté d’un capital sympathie hors norme, réussit à captiver un large public.

Le coup de foudre à l’automne 2018

C’est en octobre 2018, lors du Salon de l’Automobile de Paris, porte de Versailles, que Suzuki présente pour la première fois la nouvelle génération de son Jimny. La réaction du public ne se fait pas attendre : ce petit véhicule séduit instantanément. Sa silhouette conserve le design carré et rétro qui a depuis longtemps cimenté sa réputation au sein de la gamme Suzuki. Son apparence évoque immédiatement celle de la seconde génération, aussi commercialisée sous le nom de “Santana Samuraï” dans certains marchés.

Ce nouveau Jimny est même comparé à un mini Mercedes-Benz Classe G, ce qui témoigne de son style robuste et reconnaissable. Sur le stand Suzuki, les visiteurs sont nombreux à vouloir prendre la roue, et les commandes affluent en masse, laissant entrevoir un avenir prometteur pour ce modèle iconique. Le succès est évident, et beaucoup estiment que ce petit 4×4 ne tardera pas à faire parler de lui durant de longues années.

Une disponibilité limitée qui crée la frustration

Dès ses premières ventes en France, la marque Suzuki est confrontée à un problème de taille : la demande dépasse largement l’offre. Les stocks de Jimny fondent très rapidement, et rapidement, Suzuki décide de suspendre la prise de commandes en 2020, en raison de délais de livraison interminables. Ce succès phénoménal entraîne également une problématique liée aux quotas de CO2 imposés par les normes européennes.

En effet, selon la réglementation CAFE, les constructeurs commercialisant des voitures en Europe doivent maintenir une moyenne d’émissions de CO2 pour leur gamme, et le Jimny, avec ses 173 grammes par kilomètre, tire la moyenne vers le haut pour Suzuki. Un responsable de la marque confiait alors qu’à chaque vente de Jimny, ils étaient contraints de vendre un nombre équivalent d’autres modèles, comme l’Ignis ou la Swift, afin de respecter ces quotas.

Une fin annoncée, mais pas tout à fait

Ce qui allait devenir une triste réalité, c’est que le malus écologique instauré en France allait lourdement pénaliser le Jimny. Avec cette taxe, le petit Suzuki devenait de plus en plus difficile à vendre. En 2021, le malus pour la version manuelle approchait déjà 20 000 euros, tandis que la version automatique lui voyait ajouter une taxe supplémentaire de 60 000 euros pour l’État. Tout cela pour un véhicule mesurant seulement 3,65 mètres, consommant en ville à peine plus de 7 litres au 100 km, et affichant des performances tout-terrain exceptionnelles.

Face à cette situation, Suzuki propose une solution ingénieuse : une version à deux places, non soumise à ce malus écologique, permettant à la fois de réduire les coûts et de continuer à proposer un modèle attrayant pour les professionnels. Mais cette décision ne suffit pas à éviter la rupture de stock récurrente, et le Jimny se voit une nouvelle fois en difficulté, avec des livraisons impossibles.

Une fin de carrière annoncée, mais une ultime surprise

Après une période de disponibilité limitée, le Suzuki Jimny disparaît de façon quasi définitive du catalogue français en 2024, laissant derrière lui le souvenir d’un véhicule unique en son genre. Pourtant, début 2025, la filiale française parvient à racheter environ une cinquantaine d’exemplaires, suscitant à la fois de l’espoir chez certains et de nombreuses questions chez d’autres. Comment expliquer cette dernière expédition de Jimny, et surtout, à quel prix seront vendus ces exemplaires rares ?

Pour gérer l’indécision de la clientèle et préserver une certaine exclusivité, Suzuki met en place un système de vente en ligne. Les acheteurs intéressés se connectent sur un site dédié, où les premières commandes seront traitées en priorité. La livraison s’effectuera directement chez le concessionnaire choisi par l’acheteur. Lors de cette opération exceptionnelle, 900 personnes ont réussi à se connecter en même temps, et toutes les Jimny disponibles ont été vendues en moins de deux minutes.

Une série limitée pour célébrer un anniversaire

Afin de marquer le coup, Suzuki France lance une série spéciale pour fêter le 55ème anniversaire du Jimny. Basé sur la version Privilège V.U., ce modèle anniversaire comporte plusieurs éléments exclusifs : une calandre rétro, des stickers latéraux également inspirés du style vintage, un couvre-roue de secours souple Rhino arborant le rhinocéros stylisé emblématique depuis les années 80, ainsi que des tapis de sol en caoutchouc pour l’intérieur et le coffre. La version bénéficie également de bavettes siglées Jimny en rouge, placées derrière les roues avant et arrière, et d’un carnet de route en cuir embossé, accompagné d’un porte-clé coordonné.

Pour aller plus loin dans la personnalisation et la formation, les acheteurs de cette version spéciale ont également droit à un stage de pilotage 4×4 pour maîtriser tous les atouts de leur véhicule tout-terrain.

Une expérience à bord authentique et dépouillée

À l’intérieur de cette série limitée Jimny 55ème anniversaire, l’équipement reste généreux, malgré une philosophie résolument rétro. La climatisation manuelle, les sièges chauffants, les feux automatiques, et quelques aides à la conduite telles que l’alerte de franchissement de ligne ou de changement de trajectoire sont présents. En revanche, étonnamment, ce modèle ne dispose pas d’écran central. Le Jimny utilitaire conserve son système audio avec lecteur CD, radio et Bluetooth, ce qui fait de lui l’un des derniers véhicules du marché à proposer un tel équipement.

Ce choix peut sembler démodé, mais il contribue à maintenir l’esprit authentique du Jimny, ce qui plaît à ses admirateurs. La finition simple, avec un volant en plastique mais à l’aspect vintage, ajoute à cette sensation de retour aux sources. Les compteurs avec aiguilles et l’absence d’électronique moderne renforcent cette impression de véhicule brut, prêt à rouler sur tous les terrains sans artifices.

Un espace de chargement impressionnant pour ses dimensions

L’un des grands atouts du Jimny, surtout lorsqu’il est restreint à deux places, c’est la capacité de son coffre. En supprimant deux sièges, la capacité de chargement passe de 85 litres à une étonnante contenance de 863 litres. L’espace est vaste pour la taille du véhicule et est protégé par une grille solide derrière les sièges avant, permettant d’aménager un coffre pratique et sécurisé.

Toutefois, cette séparation empêche le conducteur de reculer son siège complètement en arrière, le forçant à adopter une position plutôt verticale. La grille de séparation demeure une option modifiable, ce qui permet de dégager davantage d’espace si nécessaire. La praticité se conjugue donc avec un design compact, idéal pour transporter de nombreux bagages ou équipements.

Une polyvalence toujours appréciée en tout-terrain

Même si son allure fait penser à un véhicule robuste et rustique, le Jimny brille également par ses qualités en conduite hors route. Avec ses angles d’attaque à 37°, de fuite à 49°, et ventral à 28°, ainsi que sa transmission intégrale AllGrip Pro avec boîte de transfert et rapports courts, il est parfaitement capable de se sortir de situations difficiles, comme une descente en terrain escarpé ou un passage boueux.

Sur la route, le Jimny surprend parfois par sa facilité de conduite malgré sa vocation tout-terrain. Il n’est certes pas destiné à une utilisation sur autoroute à haute vitesse, mais peut aisément maintenir un 130 km/h, à condition de bien tenir le volant. Son manque de stabilité face au vent latéral ou la direction peu précise ne le rendent pas idéal pour des longs trajets, mais en conduite sur routes secondaires, ses suspensions souples et sa vivacité en font un compagnon agréable au quotidien. Rouler en Jimny reste finalement une expérience plaisante, loin de la simple utilité de certains véhicules utilitaires.

Une popularité qui dépasse son aspect technique

Au-delà de ses performances, le Jimny possède un capital sympathie exceptionnel. Conduire ce petit 4×4 devient une véritable expérience sociale : dans la rue, au supermarché ou lors de pauses, les gens s’arrêtent pour parler, complimenter ou simplement admirer. Son style atypique, sa capacité à traverser toutes sortes de terrains, et ses allures vintage lui confèrent une aura unique, qui ne laisse personne indifférent. La popularité de cette petite bombe extérieurement simple est telle que tout le monde aime ce modèle, des enfants aux grands-parents.

Cependant, la fin de la production du Jimny dans sa version classique laisse planer une grande uncertainty. La question de l’avenir demeure entière : une version hybride ou électrique serait idéale pour conserver ses qualités tout en respectant les normes environnementales, mais ce changement n’est pas encore assuré.

Voici quelques caractéristiques techniques pour mieux connaître ce véhicule emblématique : il mesure 3,48 mètres de long, 1,64 m de large, et il culmine à 1,72 m en hauteur. Doté de deux sièges, il offre un coffre pouvant atteindre 863 litres, et il est équipé d’une boîte de vitesses mécanique à cinq rapports, propulsé à l’essence. Une machine qui a su conquérir les cœurs tout en incarnant la simplicité et la polyvalence.

En somme, le Suzuki Jimny demeure une référence dans le monde des petits tout-terrain, un véhicule qui, bien plus qu’une simple machine, représente une expérience sociale et un symbole de liberté mécanique.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.