À Mulhouse, des cartes postales comme thérapie estivale pour la santé mentale

Sophie Lambert

Un centre thérapeutique pour personnes âgées niché dans un lieu étonnamment isolé, aux confins des champs et en bordure de la Mer Rouge à Mulhouse, fonctionne à distance depuis juin dernier. À l’entrée, une pancarte ornée de cartes postales accueille chaleureusement les visiteurs du Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), dédié à une population de plus de 65 ans. Cette structure, qui ne se limite pas à ses murs, fait partie intégrante, hors de ses locaux, du pôle de psychiatrie rattaché au Groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA). La majorité des usagers, généralement orientés vers le centre après une période d’hospitalisation, viennent y consacrer une demi-journée. « Notre approche repose essentiellement sur diverses activités thérapeutiques », explique Pauline Walter, infirmière en charge de l’établissement.

Un courrier en provenance des quatre coins de la France et au-delà

Le projet connaît depuis son lancement un engouement certain. Les professionnels de santé, mais aussi des élèves comme Ava avec ses chatons de Saint-Tropez, ainsi que diverses personnes sans lien particulier avec le centre, ont été nombreux à participer en envoyant des cartes postales depuis leurs vacances ou leur quotidien. « Nous avons déjà réceptionné 65 cartes, dont six seulement hier et aujourd’hui », indique Pauline Walter, accompagnée de l’aide-soignante Scarlett Goux, lors d’un après-midi du 12 août.

Une attention toute particulière est portée à la réception de ces courriers, qui sont mis en valeur lors d’ateliers de lecture. Beaucoup proviennent de régions françaises variées comme la Côte Atlantique, les Alpes, ou encore de contrées plus lointaines comme l’Italie, Tenerife, le Népal ou l’Australie. Les images et messages évoquent autant des souvenirs d’antan que des destinations de rêve, permettant aux résidents d’évoquer leur vécu ou simplement de voyager par la pensée.

Une activité visant à raviver la mémoire et à encourager l’échange

Le principe de cette initiative, visant à renforcer le lien social des personnes accueillies, repose sur la simplicité mais aussi sur une rapidité d’impact. « Même si la majorité vivent chez eux, ils souffrent souvent d’isolement », observe l’infirmière. La consultation des cartes postales devient alors un moment privilégié pour stimuler la mémoire, susciter la conversation, et créer du lien. Sur une grande carte de France et un planisphère, des gommettes rouges indiquent très visiblement les lieux d’origine des courriers : le sud de la France, la côte atlantique ou les montagnes alpines. Plus loin, on retrouve des destinations qui font rêver, comme l’Italie, Tenerife, le Népal ou encore l’Australie. Ces escapades virtuelles offrent une véritable bouffée d’oxygène à ceux qui y participent.

Une image illustrant cette démarche montre des gommettes rouges placées sur une carte, signalant rapidement et de façon visuelle les endroits visités par ceux qui ont envoyé des cartes. Ce procédé permet d’avoir une représentation immédiate des zones de villégiature ou de passage, et contribue à créer une dynamique d’échanges et de souvenirs partagés.

Une correspondance qui fait voyager, même à distance

Les responsables du centre ont également en leur possession plusieurs nouvelles cartes postales qu’ils vont distribuer ce jour-là. La première, signée par Alexandra, souhaite transmettre « un salut de Corse pour ceux qui la connaissent et qui en parleront à ceux qui ne l’ont pas encore visitée ». Très vite, Gérard réagit avec enthousiasme : « J’ai été en Corse, non loin de Bastia. Ça remonte à 60 ans, mais ça reste gravé dans ma mémoire. » Il se lance alors dans un récit passionné évoquant Napoléon Bonaparte, pendant que l’infirmière appose un autocollant en haut de l’île de Beauté, renforçant ainsi le sentiment d’évasion.

Les souvenirs précieux à travers les cartes postales

Mohamed, âgé de 80 ans, et Gérard, 93 ans, qui ont tous deux déjà pris place dans le centre, réagissent avec vivacité et une joie communicative. En revanche, Marie-Christine, 69 ans, ainsi que Simone et Cécile, âgée de 73 ans, qui sont arrivées en voiture sanitaire, préfèrent observer en silence les échanges autour d’elles.

Ces cartes postales, envoyées par divers originaires comme Gaby de Brunstatt-Didenheim, qui a illustré une scène de Ventron dans les Vosges après avoir dû annuler ses vacances à cause du mauvais temps, ou Huguette qui a choisi une image d’un temple japonais à Kyoto, représentent plus qu’un simple message. Elles constituent des témoins précieux, des repères du passé, permettant à leurs destinataires de raviver des souvenirs durables. Carole et Adeline, quant à elles, ont fait parvenir un message depuis le chemin de Compostelle, tandis qu’une carte envoyée de Barcelonnette, dans les Alpes-de-Haute-Provence, évoque les montagnes escarpées. Curieusement, cette dernière incite Mohamed à évoquer le phare de Cordouan, dans la Gironde, considéré comme le plus vieux encore en activité, illustrant ainsi la permanence de certains lieux emblématiques dans la mémoire.

Ce projet, qui privilégie une ouverture simple et chaleureuse vers l’extérieur, reçoit également le soutien de Pauline Walter et de ses collègues. Elles invitent ceux qui souhaitent participer à continuer d’envoyer des messages jusqu’à la fin septembre, en précisant que l’on peut écrire à l’adresse du centre, située au 10 rue Édouard-Branly à Mulhouse. Toute personne désireuse de partager un peu de ses vacances ou d’un souvenir peut contribuer à cette belle chaîne humaine, permettant à chacun de voyager, même à distance, à travers un geste simple maisporteur de sens.

Sophie Lambert

Sophie Lambert

Née à Colmar et passionnée par les enjeux sociaux et environnementaux, j’ai choisi le journalisme pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas. Je crois en une presse locale libre, engagée et accessible à toutes et tous.